L'auteur réagit au texte « De quoi a-t-on peur ? », publié hier.Étienne Racine pose une question à laquelle il me brûle de répondre. En quoi l'application UberX pose-t-elle problème à l'industrie du taxi ?

D'abord, il faut se rappeler que le Québec a choisi la voie de réglementer le transport rémunéré de personnes par automobile. Il a fixé des règles, limité le nombre de permis pouvant être émis, exigé des qualifications professionnelles des chauffeurs et établi un mécanisme de fixation et de contrôle des tarifs.

Le Québec aurait tout aussi bien pu privilégier la voie de la déréglementation et permettre à tous les détenteurs d'un permis de conduire de faire du taxi. Mais le choix de réglementer a été fait en raison de considérations de qualité de service et suivant des consultations étendues du milieu.

Chemin faisant, les acteurs de l'industrie du taxi se sont pliés à ce système et ont investi des sommes importantes dans leur commerce et gagne-pain.

Voilà qu'arrive un acteur étranger qui s'installe en faisant fi des lois et des exigences réglementaires, déclarant ne pas être régi par celles-ci. Une fois installé et bien en selle, il demande d'être réglementé pour se donner bonne conscience. En fait, cet acteur veut que les règles lui aillent comme un gant, suivant son commerce déjà établi dans d'autres juridictions.

Dans un État de droit, il est d'usage d'attendre que des modifications législatives soient apportées pour permettre un usage, plutôt que de placer tout le monde devant un fait accompli.

Dans un État qui a choisi la voie de la réglementation pour un secteur d'activité, une entreprise ne peut opérer en marge de celui-ci et selon ses propres règles.

Oui, mais vous me direz qu'on prive les citoyens d'un service et que celui-ci est le grand perdant de ce choix de réglementer une activité. Et que fait-on des artisans de l'industrie qui sont aussi des citoyens qui ont accepté de se conformer au choix du Québec en matière de permis ? Parce que, voyez-vous, la majeure partie de l'industrie est composée d'individus qui ne possèdent qu'un permis de propriétaire de taxi et qui sont eux-mêmes derrière le volant. Ce ne sont pas de grandes entreprises comme on peut le voir dans d'autres juridictions.

Ceci étant, avez-vous songé aux pertes qu'ils subissent présentement et à la menace de voir la valeur de leurs permis fondre ? Quand Uber se vante d'avoir créé l'équivalent de 500 emplois, d'où pensez-vous qu'ils proviennent ? D'une demande soudainement accrue en transport de personnes par automobile ou d'un déplacement de la clientèle traditionnelle de taxi vers UberX ? Les échos que j'entends me font pencher vers la seconde réponse.

Pour permettre qu'UberX exploite selon son modèle actuel, il faudrait revoir complètement notre encadrement du transport de personnes par automobile. Pour utiliser une métaphore de son pays d'origine, n'est-ce pas un cas classique de la « queue qui brasse le chien » ?

Les applications pour téléphones portables sont répandues dans l'univers du taxi. Les intermédiaires de services de transport par taxi qui détiennent un permis et qui se soumettent aux règles en ont développé. La différence majeure d'avec UberX réside dans le fait que ce sont des chauffeurs de taxi, et non un simple conducteur de véhicule de promenade, qui exécutent les courses.

Si Uber désire être vu comme un bon citoyen corporatif, qu'il concurrence à la loyale les artisans de l'industrie en suivant les règles que nous nous sommes collectivement données. Où est le problème, me demandez-vous ? Je vous retourne la question : sous prétexte qu'il s'agit d'une bonne idée, devons-nous tolérer que la visite dicte ses règles à suivre dans notre maisonnée ?