Je suis de celles qui adhèrent à la prémisse qu'il faut courageusement s'attaquer aux hausses des coûts reliés à la santé. Dernièrement, on sent qu'une mission a clairement été donnée en ce sens au commandant de la santé.

Enfin, nous avions l'occasion de donner un coup de barre au monopole de la pilule articulé par les géants de l'industrie pharmaceutique. Le temps était venu de revoir les politiques qui financent à coup de milliards leur exploitation du malheur des malades. Une industrie sans-coeur, dont les intérêts n'ont rien à voir avec la santé des patients. Bref, nous allions enfin pointer les canons dans la bonne direction.

Le commandant Barrette a agi. Avec toute la grâce d'un éléphant dans un magasin de porcelaine, il a décidé de viser, entre autres, les services gratuits qui ont toujours été offerts à ma pharmacie. Chaque pharmacie devra faire des compressions de 100 000 $. Non seulement le canon ne pointe pas l'ennemi - les géants de l'industrie pharmaceutique - , mais il vise lâchement mon alliée, ma pharmacienne ! La cible est idéale : pas de résistance, les soldats visés sont trop occupés à vomir leur chimio pour aller manifester et s'insurger.

La cible du commandant de la santé, c'est celle qui m'appelle par mon nom. Celle qui m'a reçue dans les moments les plus bas : pas de cheveux, cernée, tremblante de fatigue, nauséeuse. Dans mes plus beaux moments aussi, comme lorsque je suis allée m'acheter du shampoing, incapable de contrôler ma joie de voir la repousse de mes cheveux après une longue période de chimiothérapie.

C'est celle qui a pris le temps de trouver une solution en téléphonant à ma compagnie d'assurances qui refusait de payer directement le montant de mon traitement injectable à cause d'un problème de gestion des dépôts directs des indemnisations. Parce que je n'avais pas le 3000 $ que je devais avancer en attendant d'être remboursée par mon assureur !

DRAPEAU BLANC

Notre commandant cible celle qui m'a proposé les services de livraison gratuite de mes médicaments, le temps que je me remette de ma récidive. C'est celle qui m'a fortement suggéré d'utiliser le pilulier, un classeur qui prend en charge l'organisation quotidienne des doses à prendre, parce que malgré toute ma bonne volonté, je n'y arrivais pas. Elle ne m'a jamais réclamé un sou pour ça.

C'est elle aussi qui m'a m'expliqué pourquoi je devais résister à l'envie de cesser de prendre mes médicaments, malgré mon « écoeurantite »... 

Si je suis là aujourd'hui, c'est parce qu'elle a pris le temps de m'informer et, surtout, qu'elle m'a rassurée. 

Elle a sans doute pu le faire parce que les techniciennes de sa pharmacie ont gardé le fort pendant ce temps-là. Qui va l'aider à m'aider maintenant qu'elle doit couper leurs postes ?

Sa cible, c'est celle qui a faxé la liste des médicaments que je prenais à la demande de l'urgentologue qui m'a prise en charge pour une complication. Un petit « plus » qui fait la différence quand le temps compte à l'urgence. J'ai réalisé toute la portée de son geste à ma sortie de l'hôpital lorsqu'elle m'a demandé si j'allais mieux. Parce que le premier arrêt que tu fais en sortant d'une hospitalisation, c'est à ta pharmacie pour te faire prendre en charge dans la prise de ta médication. Elle a pris de mes nouvelles... gratuitement.

Quand t'es malade, tu développes un réflexe. Tu demandes souvent combien ça coûte, parce que financièrement, tu dois survivre pendant qu'on t'aide à demeurer en vie... Vous me suivez toujours ?

Mon commandant de la santé doit donner l'impression d'« agir ». Il choisit de viser mon alliée et, du même coup, menace une population vulnérable, trop malade pour agiter le drapeau blanc, au lieu de s'attaquer une fois pour toutes à la mafia de la pilule... Mission accomplie !