En ce 1er mai animé et à la veille d'une possible grève générale à l'automne, un regard rétrospectif s'impose sur la démarche de 1996 pour atteindre l'équilibre budgétaire et celle en cours au printemps 2015.

Si l'objectif est le même, force est de constater que les moyens utilisés diffèrent totalement.

Ce qui différencie les deux approches, hors le talent exceptionnel de négociateur de Lucien Bouchard en tant que premier ministre, c'est la volonté d'instaurer un dialogue social entre toutes les parties prenantes de la société plutôt que le dialogue de sourds auquel on assiste présentement.

Pour ce faire, en 1996, voulant éviter la collision frontale entre l'État et les syndicats comme en 1982, le nouveau gouvernement choisissait plutôt d'impliquer le milieu des affaires, les organisations syndicales, le milieu de l'éducation et, pour la première fois, le mouvement des femmes, les associations étudiantes et le mouvement communautaire. Cet exercice de concertation au sommet entre partenaires se déroulera en deux temps, d'abord une Conférence sur le devenir social et économique au mois de mars 1996, puis le Sommet sur l'économie et l'emploi au mois d'octobre de la même année.

Entre les deux rendez-vous, divers chantiers ont été mis sur pied pour élaborer des propositions concrètes relançant l'économie, l'emploi et les finances publiques, mettant fin à l'endettement et aux déficits et favorisant le développement d'une vision commune en matière de politique familiale, de formation de la main-d'oeuvre, de caisse de retraite et de lutte à la pauvreté.

À la Conférence de mars, un consensus était atteint pour que le déficit soit éliminé complètement en quatre ans. Personne ne s'étonnera cependant que pour y arriver, le patronat privilégiait une réduction des impôts et des taxes et une diminution des dépenses gouvernementales alors que les organisations syndicales et communautaires préconisaient la création d'emplois et de nouvelles rentrées fiscales.

COMPROMIS

Malgré ces divergences, tous acceptèrent de poursuivre l'exercice en prévision du Sommet d'octobre dans une sorte de grande négociation sociale. Certes, des compromis furent nécessaires de part et d'autre. Vingt ans plus tard, on se rappelle moins de la création d'emplois et des autres innovations sociales qui ont résulté des consensus du Sommet que de l'ampleur des mises à la retraite volontaire avec primes généreuses pour 37 000 employés des secteurs publics et parapublics.

Les représentants patronaux n'obtinrent pas l'abandon du projet de loi sur l'équité salariale et de la loi obligeant les entreprises à consacrer 1 % de leur masse salariale à la formation de leur main-d'oeuvre.

Cependant, des dizaines de projets de création d'emplois et d'entreprises, prêts à démarrer, furent retenus de même que de nombreuses innovations sociales et économiques, dont le développement du réseau des centres de la petite enfance (CPE), la réduction de la semaine régulière de travail de 44 à 40 heures et la prolongation à 52 semaines du congé parental.

À l'opposé de cette démonstration, ai-je besoin de souligner à quel point le gouvernement du premier ministre Couillard fait fausse route présentement avec sa démarche autoritaire, tant dans la conduite des négociations avec les employés de l'État que dans l'abolition de la participation citoyenne des instances de concertation locale et régionale et des services publics ?

La question latente, à l'égard de l'exercice en cours, qui provoque l'inquiétude est : que recherche véritablement le gouvernement ? Est-ce que, comme le mentionnait le président du Conseil du Trésor en octobre dernier, « l'opération de révision des programmes dépasse largement l'objectif du déficit zéro et vise un repositionnement de l'État » ? Pour faire quoi et aller où ? Voilà la question !