Les excès d'un gouvernement oeuvrant dans l'enthousiasme de la charité valent mieux que les omissions d'un gouvernement glacé par son indifférence.

Ces mots de F.D. Roosevelt prononcés alors qu'il défendait l'implantation de la sécurité sociale aux États-Unis, que je me permets de traduire à ma façon, m'amènent à me questionner sur ce que nous considérons aujourd'hui soit comme des droits communs, soit comme des privilèges que nous acceptons de donner aux autres membres de la société. Ceci est particulièrement important au moment où notre niveau d'endettement nous pousse vers l'austérité et la protection de notre coquille individuelle, sans égard pour les valeurs qui ont vu fleurir la société québécoise depuis 60 ans.

Est-ce que le citoyen qui a aujourd'hui besoin de soins de santé mérite moins que celui qui y a eu recours il y a 5 ou 10 ans, alors que les soins de pointe d'alors sont partiellement la cause de l'endettement actuel? Je me pose chaque jour cette question alors que je vois les avancées scientifiques et thérapeutiques restreintes par les contraintes budgétaires et un discours voulant que certains traitements ne soient pas valables du point de vue pharmaco-économique.

Depuis 10 ans, le Québec est passé d'un lieu favorisant l'émergence de traitements novateurs à un environnement foncièrement réfractaire, de peur de voir le budget éclater. Dites adieu à l'enthousiasme de la charité! Les omissions de l'indifférence frappent et assomment les espoirs de ceux qui ont des attentes pour eux-mêmes, leurs proches ou leurs voisins.

Deux constats dérivent de ce nouvel état de fait et d'austérité: la nécessaire démonstration que ceci est fait pour mieux investir les fonds publics et la propension des individus à rechercher ailleurs leur bien personnel au-delà des services offerts par le gouvernement.

Il n'existe que peu de données permettant de démontrer que le Québec fait mieux les choses en santé aujourd'hui qu'il y a 10 ou 20 ans. Mes connaissances sont surtout liées au cancer, et sur cet aspect particulier, les discours ronflants de chaque ministre selon lesquels les résultats des traitements de cette pathologie au Québec s'améliorent étaient et demeurent généralement sans fondement. Pourtant, les données qui émergent partout ailleurs vont dans le sens des propos de F.D.R., voulant que les excès de charité aient un réel impact sur les chances de survie des patients atteints de cancer.

Examen de conscience

On comprendra alors le désir de vouloir pour soi des choses que l'on considère comme dues. Cependant, le système de santé actuel refuse que l'on offre dans les lieux publics des soins ou traitements qui ne soient pas les mêmes pour tous. Ceci est en soi faux, parce que les soins offerts dans chaque hôpital ou lieu de soins diffèrent déjà de façon marquée.

De plus, la réglementation empêche qu'un patient puisse payer pour recevoir localement des soins qui ne sont pas disponibles à tous. Ceci est aussi vrai pour des traitements de chimiothérapie coûteux que pour l'obtention d'un bain supplémentaire dans un CHSLD.

L'austérité devrait mener à un réel examen de conscience au Québec. Nos gestionnaires clament le succès des mesures de contrôle budgétaire, mais je n'entends pas les promesses et les plans visant à respecter le rôle premier d'un gouvernement, soit de voir à l'amélioration des conditions de ses citoyens. Si l'austérité nous oblige à cesser d'avancer collectivement, elle doit penser à rouvrir des droits individuels qui sont niés par le mode de gestion actuel.