L'agitation étudiante des dernières semaines nous a offert une occasion de jeter un regard critique sur les représentants influents de la gauche radicale, tels certains ténors de Québec solidaire et les universitaires qui appuient la faction jusqu'au-boutiste du mouvement étudiant.

Ma longue fréquentation avec le communisme et la gauche radicale m'a appris que ces mouvements politiques véhiculent, dans leur culture et leur pratique militante, le contraire des valeurs de gauche dont ils prétendent s'inspirer. La grève étudiante de 2015 nous en offre une illustration éloquente.

Ils se déclarent démocratiques. Pourtant, en même temps qu'ils revendiquent le droit de désobéir au gouvernement élu, ils acceptent que des décisions prises par une infime minorité d'étudiants, à main levée, dans l'exaltation des assemblées générales, soient imposées à tous les étudiants par la contrainte. Ils disqualifient l'immense majorité des étudiants qui boudent les assemblées générales, non par conservatisme, mais parce qu'ils les jugent non représentatives, oppressantes, et peu propices au débat rationnel.

Ils s'indignent devant «l'autoritarisme» et les violences policières. Pourtant ils trouvent légitime l'expulsion autoritaire des étudiants de leur salle de classe par une minorité radicale. Et s'ils n'approuvent pas explicitement les violences des extrémistes, ils s'opposent à toutes les mesures, telles les procédures disciplinaires et les injonctions, visant à les empêcher. Ce qu'ils exigent dans les faits, c'est d'autoriser la minorité radicale à faire la loi, y compris par l'intimidation, à l'université.

Ils dénoncent le conformisme intellectuel. Pourtant, ils appuient un discours sectaire qui réduit le débat à des slogans manichéens («attaque contre nos droits», «expulsions politiques»).

Ils déclarent appuyer les étudiants, mais leur bienveillance se limite à la petite minorité de militants radicaux. Ils n'ont aucune sympathie pour la vaste majorité des étudiants qui souhaite poursuivre leurs études dans la liberté et la sérénité.

Ils prétendent parler au nom du peuple, mais ils n'ont que du dédain pour les opinions de la majorité des Québécois. Ils ont récupéré le concept de «majorité silencieuse», inventé par la droite, afin de disqualifier le point de vue des classes populaires.

Ils adhèrent encore à cette grande imposture de la pensée politique des XIXe et XXe siècles voulant qu'une «avant-garde révolutionnaire» puisse représenter les intérêts du peuple contre l'avis majoritaire de ce dernier. Dans la pratique, on le voit bien à l'UQAM, cette conception conduit à l'autoritarisme et à l'intolérance. Toutes les fois où elle a guidé le pouvoir, comme en Russie et en Chine, elle a imposé au peuple une oppression épouvantable.

Malgré ses turpitudes, la gauche radicale continue de bénéficier d'une aura qui intimide les esprits critiques. Pendant des années, les socialistes modérés n'ont pas osé condamner le stalinisme de peur d'être considérés comme des salauds réactionnaires. Je décèle la même lâcheté dans le silence de la gauche démocratique québécoise devant les abus commis par la frange radicale du mouvement étudiant.

Si certains militants radicaux sont sincères et généreux, beaucoup sont autoritaires, intolérants, lâches et conformistes, plus préoccupés par leur image virile de «purs et durs» que par l'impact de leurs actions sur la réalité. Les progressistes doivent cesser de se laisser impressionner par ces imposteurs.

Les impostures de la gauche radicale contribuent à faire basculer la société vers la droite. Les dérives de l'agitation étudiante et l'appui qu'elle reçoit de la part des élites de la gauche radicale, c'est du pain bénit pour les radio-poubelles et pour le gouvernement libéral. Et c'est une catastrophe pour ceux qui souhaitent l'émergence d'une gauche humaniste et démocratique au Québec.