J'adore la lecture. Je lis des biographies, des romans, des essais, des magazines sans oublier les journaux. Je lis souvent et partout, en marchant ou en me rasant. Je lis même dans l'obscurité. Une explication s'impose, je suis aveugle ! En fait, mes livres sont des enregistrements sonores réalisés par des femmes et des hommes qui lisent bénévolement toutes sortes de documents au profit des personnes incapables de lire l'imprimé.

À l'occasion de la Semaine de l'action bénévole qui a débuté hier, je désire saluer et marquer d'un signet géant le travail admirable des milliers de volontaires qui lisent inlassablement devant un microphone des textes espérés et avidement écoutés par autant de personnes vivant avec un handicap visuel ou une autre déficience perceptuelle partout au Québec. Chaque semaine, les 13 cabines d'enregistrement de Vues & Voix à Montréal accueillent 350 bénévoles qui produisent, d'une part, des livres parlés distribués principalement sous forme de disques audionumériques par Bibliothèque et Archives nationales du Québec et d'autre part, des extraits de journaux et magazines diffusés par le Canal M par le truchement de la télé numérique ou le site internet de Vues & Voix. Quatre-vingts bénévoles montréalais oeuvrent également à l'enregistrement de livres et périodiques dans les trois studios de la bibliothèque d'INCA qui les fournit à ses abonnés francophones de tout le Canada.

Les bénévoles ont en commun le dévouement, l'enthousiasme, la passion de la lecture, une diction impeccable, mais surtout une voix chaleureuse, souvent reconnaissable, qui incite à la découverte de l'ouvrage. À titre d'auditeur chevronné, je préfère l'incomparable voix humaine aux synthétiseurs vocaux qu'utilisent les personnes handicapées de la vue par commodité. La voix du bénévole possède aussi une pérennité en ce sens qu'elle captivera longtemps un vaste lectorat. Occasionnellement, j'écoute avec fascination des livres enregistrés il y a 40 ans. Enfin, et ce n'est pas la moindre de ses qualités, la voix du bénévole est amicale et peut éventuellement représenter une compagne, même fugace, dans la solitude du lecteur vivant avec une déficience visuelle.

Mesdames et messieurs, votre bénévolat revêt un caractère inestimable pour les personnes handicapées dont je me fais humblement le porte-parole dans ces lignes. Si la lecture est une amitié, comme l'écrivait jadis Marcel Proust, vous êtes certainement nos plus chers amis dans notre quête de littérature. Vous contribuez gracieusement à garder bien ouverte notre fenêtre sur le monde. Je conclus par un vibrant merci et demeure dans l'espoir d'entendre encore longtemps vos voix dans mes haut-parleurs.