Monsieur Couillard,

Je suis une étudiante et une manifestante. Ne cessez pas de lire tout de suite! Je suis également une travailleuse. Cela fera bientôt sept ans, monsieur, que je travaille dans le milieu communautaire. J'ai choisi consciemment de travailler sans compter les heures, de lier mon emploi à mes valeurs, d'assumer des conditions de travail pas toujours glorieuses.

Et je rencontre des gens, des histoires. Pour moi, le projet de loi 10 a un nom. Les coupes dans l'éducation également! En fait, à bien y penser, nommez-moi une de vos mesures d'austérité et je suis bien certaine d'avoir un visage en tête pour chacune d'entre elles.

Je pourrais vous parler de mes grands adultes autistes qui sont actuellement dans un trou de services immense. Leurs parents qui nous demandent avec la peur plein les yeux ce qu'il va se passer quand eux seront morts. Qu'adviendra-t-il de leur enfant? Et nous de garder le silence parce qu'il y avait déjà peu d'espoir et ce qu'il en restait vous l'avez tué.

Je peux vous parler de mes petits poqués que je vais rencontrer en centre jeunesse. Ceux qui n'ont absolument personne. Une poignée d'éducateurs payés pour être là et c'est tout. Un enseignant débordé qui n'a même pas le temps de réaliser que cet enfant n'a personne à qui faire une carte pour la fête des Mères.

Cette mère immigrante dont l'enfant a visiblement besoin de services. Elle ne parle pas français. Il faudra l'accompagner au CLSC, mais les travailleuses sociales sont débordées.

Le coût du déracinement

Tous ces flous, monsieur, vous ne les avez pas créés. Ils étaient là, criblant déjà notre province d'inégalités et d'injustices. Les organismes communautaires étaient là pour ajuster un peu la donne. Mais on les déracine un par un. Ça va coûter cher dans pas très longtemps. Je ne parle pas de long terme, j'ai bien compris que vous vous fichez de ce qu'il y aura après vous. Je vous parle de rapports sur les bureaux de vos ministres dans deux ans.

Comment? Les urgences débordent de personnes qui ne devraient pas être là? Qui n'ont pas mangé depuis deux jours? D'une femme qui veut y laisser son enfant parce qu'elle est au bout du rouleau? Ah oui, c'est vrai! Il y a deux ans, les popotes roulantes et les services de répit, ça existait encore...