Quand je rencontre de jeunes clients, je suis toujours étonné de constater à quel point le système judiciaire reste pour eux une machine mystérieuse. Ils ne connaissent que peu ou pas les règles entourant une mise en arrestation ou une fouille, les sanctions prévues en matière de drogues ou de conduites avec facultés affaiblies, les dispositions du Code de la sécurité routière ou encore de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. On parle pourtant de réalités concrètes susceptibles de les affecter tous.

Bien entendu, si on proposait au secondaire un cours d'initiation au droit, on pallierait ces lacunes juridiques. Mais nos jeunes n'ont pas le temps: trop d'heures occupées à suivre les merveilleux cours d'éthique et culture religieuse (ÉCR)!

À peu près universellement méprisés par les étudiants, les cours d'ÉCR sont d'abord là pour servir le multiculturalisme fondé sur l'appartenance à une religion. L'emphase de la «culture religieuse» est mise de façon marquée sur le christianisme. Les autres religions? Y sont tous beaux, y sont tous fins, ce sont nos amis. Quant au volet «éthique», il est pour ainsi dire évacué. Jamais on ne parlera philosophie, liberté de pensée, humanisme, et le mot «athée» n'apparaît pas au programme.

Le jugement de la Cour suprême accordant une exemption à des établissements scolaires privés en leur permettant de mettre de côté le cours d'ÉCR serait exemplaire si... il s'arrêtait là! Le malheur, c'est que, d'un même souffle, la majorité des juges de notre plus haut tribunal rouvre la porte à un enseignement proprement religieux. La logique aberrante derrière ça? L'inconstitutionnalité de l'obligation pour ces écoles d'offrir le cours d'ÉCR viendrait de ce qu'elle bafoue «la liberté de religion des personnes qui veulent offrir une éducation catholique dans les institutions privées».

OK. On connaît tous ce grand principe selon lequel la liberté de l'un finit là où commence celle de l'autre. Mais où diable commence ici la liberté de choix de nos jeunes? Et surtout, où finit la liberté de religion des directions d'écoles confessionnelles? La réalité, c'est que personne ne sait. Le concept de «liberté de religion» semble à géométrie variable, flou et polymorphe. Pour s'en convaincre, suffit de rappeler qu'en 2012, cette même Cour suprême avait refusé à des élèves de Drummondville d'être dispensés du cours ÉCR, arguant qu'il était conforme à la Charte canadienne des droits et libertés, et qu'enseigner les fondements des religions du monde ne portait pas atteinte à la liberté de religion des enfants ou de leurs parents.

Loin de nous faire évoluer comme société, ce nouveau jugement est un consternant retour en arrière, une décision aux conséquences plus sérieuses que vous pensez.

Dans son ouvrage The God Delusion, Richard Dawkins fait une charge à fond de train contre la religion dans les écoles. Il écrit entre autres: «Je remercie mes parents de m'avoir inculqué cette idée qu'on ne doit pas tant enseigner aux enfants QUOI penser, mais plutôt COMMENT penser.»

La religion accompagne les cultures humaines depuis la nuit des temps. Soyons honnêtes, le phénomène est trop important pour être ignoré. Les athées sont les premiers à s'y intéresser en tant, précisément, que «phénomène».

Mes suggestions:

- Incorporer l'apprentissage de l'histoire des religions et des sectes à même les cours d'histoire (cours dispensés par des enseignants formés en histoire);

- proposer l'étude de la Bible avec une approche littéraire (sans ironie, certains livres sont passionnants et d'une riche poésie...), l'intégrer à des cours de littérature optionnels au collégial avec, pourquoi pas, les autres grands livres religieux.

Vous pouvez m'appeler, ministre Blais, je me rendrai disponible.