Cela fait maintenant près de 20 ans que le système de santé a effectué le virage ambulatoire ayant mené à la mise à la retraite de plusieurs centaines de médecins et d'infirmières. Depuis, nous avons ouvert les portes de nos facultés de médecine et avons investi plusieurs milliards de dollars dans la rémunération des médecins. Collectivement, nous avons effectué le rattrapage et reconnu le travail des médecins à sa juste valeur en ajustant leur revenu à ce qui se donne ailleurs au Canada.

Dans le contexte actuel, un gouvernement responsable doit aborder la question de l'accessibilité aux soins de santé en termes de capacité et de productivité. Autrement dit, est-ce que le Québec utilise au maximum la capacité que peut lui offrir son corps médical? La réponse à cette question est non et la plupart des intervenants en commission parlementaire le reconnaissent.

Depuis 1970, lorsque vous voyez un médecin, la RAMQ collige, entre autres, votre nom, le service rendu et la date à laquelle le service a été rendu. À partir de ces données, plusieurs analyses ont été faites et, peu importe la méthodologie utilisée, le résultat est le même, implacable: au cours des 15 dernières années, le nombre de médecins a augmenté et leur rémunération a augmenté. Malheureusement, le nombre total de services rendus à la population a diminué. La population en vient même à penser que les problèmes d'accès aux médecins de famille sont inévitables.

Selon les données véhiculées par la Fédération des  médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), la charge moyenne normale d'un médecin est de 18 patients par jour. Pour notre part, nous estimons qu'elle devrait être entre 20 et 25 visites par jour. Mais soyons bons joueurs et utilisons les chiffres de la FMOQ. En extrapolant ces chiffres sur une année, à 5 jours/semaine, 40 semaines/année et donc 200 jours avec 12 semaines de vacances, un médecin devrait être en mesure, selon la FMOQ, de livrer 3600 visites annuellement. Ceci équivaut à 31,5 millions de visites pour l'ensemble du corps médical (on compte 8769 médecins de famille au Québec).

Comme les données de la RAMQ indiquent que les patients effectuent 27,5 millions de visites annuellement, il y aurait donc une capacité annuelle inutilisée de 4 millions de visites.

Demander à un omnipraticien de maintenir un ratio de 18 visites par jour dans un quartier composé de familles de classe moyenne est probablement insuffisant. À l'inverse, ce même ratio serait probablement trop élevé pour un médecin pratiquant auprès de clientèles plus lourdes dans un quartier défavorisé, ou encore ayant une pratique orientée vers des patients en perte d'autonomie ou en soins à domicile.

Une pondération du taux d'assiduité est donc nécessaire et est prévue par règlement. Celui-ci fait toujours l'objet d'une publication et d'une période de consultation avant d'être adopté par le gouvernement. J'aurai d'ailleurs l'occasion de le rendre public au cours des prochains jours.

Cela dit, il demeure que la démographie et la prévalence des clientèles vulnérables ne peuvent justifier que seuls 36% des médecins atteignent actuellement un volume annuel de 3600 visites. Sinon, il faudrait faire le constat que la majorité des Québécois est composée de patients vulnérables, ce qui n'est évidemment pas le cas.

En appliquant une moyenne de 20 visites quotidiennes par médecin, la capacité annuelle serait alors de 35 millions de visites et, à 25 par jour, de 44 millions. Soulignons que 2332 médecins voient actuellement ce nombre de patients quotidiennement et que des médecins en commission parlementaire nous ont indiqué voir 25 patients par jour. Ce chiffre n'est donc pas exagéré.

Les Québécois ont investi considérablement dans la rémunération et dans la formation du corps médical au cours des dernières années. Ils sont en droit de réclamer un meilleur accès aux soins de santé. Compte tenu des analyses, il serait irresponsable d'aborder ce débat sans tenir compte de la question de la productivité.

Les analyses sur la productivité des médecins sont accessibles au www.msss.gouv.qc.ca.