L'économiste Pierre Fortin vient de s'engager dans une croisade contre l'austérité. S'il faut s'en réjouir, il n'est pas interdit de s'interroger sur ce qui a tous les traits d'un remarquable revirement. Je rappelle quelques faits.

Signataire du manifeste Pour un Québec lucide en 2005, il avait alors lancé un cri d'alerte quant à l'état des finances publiques du Québec. Si rien n'était fait pour réduire une dette dont il soutenait, à tort, qu'elle provenait aux trois quarts des dépenses excessives d'une société vivant au-dessus de ses moyens, les huissiers seraient bientôt à nos portes et l'avenir de nos enfants serait menacé. Il faut préciser que le rapport de la dette brute au PIB n'était alors que de 50%, comparativement aux 54% d'aujourd'hui, qu'il juge maintenant modestes, avec raison.

Dans la foulée de ce cri d'alerte, le gouvernement Charest avait, par la loi spéciale de décembre 2005, imposé aux employés des secteurs public et parapublic un gel de leurs salaires pour deux ans et des augmentations à peine égales à l'inflation pour les années suivantes, une matrice de ce que le gouvernement Couillard veut leur imposer aujourd'hui, en pire.

Prenant fait et cause pour ce diktat, Fortin avait agi comme témoin expert pour le gouvernement dans la cause en Cour supérieure instruite par l'ensemble des organisations syndicales pour le faire invalider. Il y avait justifié point par point les arguments gouvernementaux sur lesquels s'appuyaient ces mesures d'austérité. J'en ai été un observateur privilégié en tant que témoin expert de la partie syndicale.

En 2010, il a été l'un des quatre «experts indépendants» au sein d'un comité formé par le ministre des Finances, Raymond Bachand, pour le conseiller dans la préparation de son budget de 2010-2011, celui qui a été le fer de lance des mesures que le gouvernement Couillard s'emploie maintenant à intensifier.

Converti en preux chevalier de la croisade anti-austérité, n'est-il pas en train de chercher à éteindre un feu qu'il a largement contribué à allumer?