Malgré le froid imperturbable d'un hiver qui perdure, déjà, les rumeurs d'une grève sillonnent les couloirs.

Déjà? Pas vraiment. Dès l'automne, la fébrilité se faisait sentir, l'anticipation d'un orage à venir et un vent de murmures portaient leur lot de questions à demi prononcées. Oserons-nous encore clamer haut et fort nos idéaux? Affronterons-nous encore cynisme et critiques? Avons-nous encore le courage? Sommes-nous prêts?

Sommes-nous prêts? Prêts à quoi? À descendre dans la rue, risquer notre sécurité, notre confort et notre bien-être pour autrui? Sommes-nous prêts à mettre notre vie sur pause, à retarder nos études, à vivre pauvres encore un an de plus pour la plupart, et endettés pour plusieurs? Sommes-nous prêts à retarder notre entrée sur le marché du travail? Sommes-nous prêts à lutter pour ceux qui ne le peuvent plus, à crier pour ceux qui sont bâillonnés et à respirer pour un peuple à bout de souffle?

La réponse restera: nous sommes prêts!

Mais pourquoi, demanderez-vous? La réponse est simple: Qui d'autre? Qui d'autre consacrera jours et nuits à déambuler dans les rues, bramant chants et slogans? Qui d'autre confrontera politiciens, policiers, réactionnaires et hommes d'affaires?

Qui d'autre a ce pouvoir, ce devoir et cette liberté de mettre sa vie sur pause pour réfuter, rejeter et réprimander un gouvernement pour qui le monétaire passe avant l'humanitaire? Qui d'autre dénoncera un gouvernement qui agit au bénéfice des entreprises et de leurs amis en oubliant que son existence même est de protéger sa population des abus et de la corruption? Qui bravera un gouvernement qui, à coup de lois et de bâillons, force son chemin et ses idées à un peuple qui n'a d'autre choix que de se taire?

Nous seuls, étudiants. Nous, pour qui la vigueur et la force ont atteint leur apogée. Nous, pour qui le temps semble infini. Nous, pour qui notre ego ne passe pas par un titre professionnel. Nous, qui n'avons rien encore: pas de métier, pas d'argent, pas de maison, pas d'enfants. Nous, pour qui le monde reste à découvrir.

Nous sommes ce qu'il se doit d'être, de génération en génération, d'un peuple à l'autre. Nous sommes les porteurs du flambeau contestataire.

Nous sommes le pont entre le présent et l'avenir. Nous sommes le reflet d'une éducation et le prélude d'une société. Nous sommes le corps et la voix de ce que sera demain. Nous sommes la jeunesse d'une nation qui refuse de voir ses acquis dilapidés au profit de sociétés éphémères. Nous sommes la force d'un peuple qui a perdu la sienne, les gardiens d'une idéologie bafouée, les successeurs à la tranquillité et les précurseurs du renouveau.

Nous sommes étudiants et nous sommes prêts.