De manière prudente, Bombardier vient de resserrer davantage son plan d'affaires et ses opérations, tout en maximisant son encaisse afin de passer à travers les turbulences. Bref, le cap demeure et c'est plein gaz pour le décollage. Les marchés financiers démontrent leur confiance en étant plus que présents, comme le démontre l'augmentation de 25% de l'éventuelle émission d'actions.

Qu'en est-il du pouvoir de la famille sur l'entreprise québécoise multinationale? L'actionnariat légué par Armand Bombardier, le fondateur et créateur, est toujours entre les mains de ses quatre héritiers directs. Ils exercent le contrôle majoritaire grâce aux actions multivotantes, qui bénéficient de dix votes chacune.

De fait, la famille possède 15,3% de l'équité de Bombardier, tout en ayant de 58,2% des votes. Cette situation continuera tant et aussi longtemps que la famille conservera plus de 50% des actions multivotantes. Elle en a près de 85%, ce qui implique que les héritiers auraient pu inviter les autres à contribuer à l'encaisse en investissant dans les nouvelles actions sans lever le doigt.

Saluons donc le fait que certains membres de la famille pigeront dans leurs poches et investiront 50 millions US lors de la nouvelle émission. Qu'ils aient eu le choix ou non, c'est une marque de confiance importante, d'autant plus que tout indique qu'ils achèteront des actions subalternes avec un seul droit de vote, et non dix. «La famille» détiendra alors 13,3% de l'équité et 53,2% des votes.

Le développement gigantesque de Bombardier est venu principalement de Laurent Beaudoin qui, à l'instar de son beau-père, est un développeur, un entrepreneur, un grand gestionnaire. Les dernières décisions annoncent cependant le passage du statut de famille actionnaire «gestionnaire» à famille actionnaire «investisseuse». Pierre Beaudoin, petit-fils de l'inventeur, détient maintenant un poste stratégique à titre de président exécutif du conseil d'administration. C'est son successeur, Alain Bellemare, un gestionnaire de l'industrie, qui en est le commandant de bord à titre de président et chef de la direction.

Alors à quoi servent les actions multivotantes? En principes, elles protègent l'entrepreneur de la mauvaise humeur passagère des actionnaires trop pressés et des offres publiques d'achat (OPA) que les actionnaires de contrôle jugent hostiles.

Pour de nombreuses entreprises publiques du Québec inc., le contrôle familial se subdivisera éventuellement entre les générations. L'effet des actions multivotantes serait alors essentiellement un moyen de garder le contrôle d'une entreprise par une grande famille québécoise.

Qu'en sera-t-il lorsque l'intérêt des familles actionnaires «investisseuses» diffèrera de celui des partenaires sociaux et économiques (employés, fournisseurs, clients et gestionnaires) soucieux de sauvegarder, par exemple la propriété au Québec? Appellerons-nous à l'intervention des gouvernements? La facture serait de l'ordre de dizaines de milliards!

Gros débats en perspective! Et il ne faudrait pas attendre qu'un fleuron de notre économie fasse subitement l'objet d'une offre financière alléchante. On le sait, en pareilles occasions, les délais de réactions sont très courts. Comment empêcher qu'un héritier de troisième ou quatrième génération monnaye son pactole?

L'exemple Bombardier nous invite à la réflexion et à la mise en place de politiques rigoureuses.

En février 2014 un groupe de travail indépendant à proposé plusieurs pistes pour maintenir et développer les sièges sociaux au Québec.