M. Journet, vous avez lancé un débat fort intéressant sur le cynisme en politique ; permettez-moi d'y contribuer. Je crois qu'une bonne manière d'alimenter le cynisme, c'est en faisant des portraits tronqués des personnes qui s'engagent en politique.

Je dois vous admettre que je ne me suis pas reconnue dans l'analyse que vous avez dépeinte de moi. J'ai plutôt eu l'impression que vous ressassez inlassablement les mêmes clichés jusqu'à ce qu'on les confonde avec la réalité. Voici donc quatre faits qui vous permettront de comprendre un peu mieux mon cheminement. 

La campagne municipale n'est pas un tremplin pour se lancer en politique fédérale. Fonder son propre parti. Réunir des candidats. Solliciter du financement. Proposer un programme politique. Participer à des débats avec des adversaires bien plus aguerris. Être la cible de tous les observateurs politiques (jusqu'à ce que les sondages me donnent raison). Et tout ça pour me lancer dans une course à l'investiture où se trouvent déjà sept candidats ? À l'évidence, ce n'est pas un tremplin très efficace. Et ce n'est certainement pas le chemin le plus court entre le point A et le point B, croyez-moi ! 

J'ai cru sincèrement que j'allais accéder au conseil municipal. Au lendemain de l'élection municipale, tout laissait croire qu'une partielle allait bientôt être tenue, notamment parce que la rumeur était très forte à l'effet que Richard Bergeron allait quitter son poste. Or, 14 mois plus tard, il n'y a eu aucune opportunité d'accéder au conseil municipal. 

Alors, dites-moi, M. Journet, en tout respect, considérant la situation dans laquelle je me trouvais, combien d'années aurait-il fallu que je passe sur les lignes de côté avant de pouvoir à nouveau contribuer à la vie politique de la métropole ? Il faut siéger au conseil municipal pour faire un travail d'opposition efficace. Est-ce qu'on peut vraiment faire la différence et offrir un leadership d'opposition efficace sans siéger au conseil municipal ? Je ne pense pas. 

Et ce n'est pas manquer de respect envers mes collègues élus que de reconnaître qu'ils sont maintenant mieux placés que moi pour jouer ce rôle. 

Les politiciens sont aussi des humains. Je n'ai pas honte de ce que j'ai fait ou dit par le passé. Je n'ai pas honte d'avoir hésité avant de me lancer en politique fédérale. Je n'ai pas honte d'être une femme normale qui s'interroge, comme toutes les autres, sur l'équilibre à trouver entre ses engagements professionnels et sa famille. 

Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu'il est fini le temps où les politiciens étaient placés sur un piédestal, à l'abri de leurs concitoyens. Les gens que je rencontre ont le goût de politiciens plus authentiques, et je suis authentique, avec mes qualités et avec mes défauts. C'est peut-être ça, finalement, qui fait le « certain charisme » dont vous me faites crédit.

Réponse de Paul Journet

Mme Joly, 

 Vous avez raison, un politicien peut modifier ses plans de carrière, surtout après une défaite. Mais il aurait été possible de répondre plus honnêtement aux questions dans l'année qui a suivi la campagne municipale. 

De plus, même si vous soutenez dans votre essai qu'il faut « changer les règles du jeu », j'y ai cherché en vain des propositions concrètes. Vous propagez l'idée que le système actuel est vicié, et votre réponse aggrave le problème en misant plus sur le marketing que les idées. C'est ce qui contribue à mon avis au cynisme. 

Cela dit, je ne présume pas de l'avenir. Comme je l'indiquais, vous ferez peut être une bonne candidate et une bonne députée. Je vous souhaite sincèrement bonne chance dans votre nouveau défi.

- Paul Journet