Le premier ministre du Canada annonçait, jeudi à Victoriaville, une autre mesure visant à « protéger les Canadiens » contre les délinquants violents récidivistes en éliminant toute possibilité de remise en liberté sous condition avant la fin de leur sentence. Le ton de l'annonce laisse supposer qu'il y a une « épidémie » de violence chez les contrevenants bénéficiant d'une libération dite d'office, soit après avoir servi les deux tiers de la sentence. Qu'en est-il vraiment ?

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous conditions prévoit déjà la possibilité de maintenir en incarcération une personne contrevenante pour laquelle le Service correctionnel du Canada et la Commission des libérations conditionnelles du Canada jugent que cette mesure est nécessaire dans le but de prévenir une récidive violente. Chaque année, au-delà de 200 détenus sont ainsi maintenus en incarcération.

De plus, les données officielles que l'on retrouve facilement sur le site du ministère de la Sécurité publique indiquent qu'en 2012-2013, pour les quelques milliers de personnes bénéficiant d'une libération d'office, 60,7 % terminaient leur période de surveillance avec succès ; 30,7 % étaient réincarcérées suite à un non-respect des conditions ; 7,1 % récidivaient sans violence et 1,5 % commettaient un délit avec violence. Dans ce dernier cas, il s'agit d'une diminution importante par rapport à 2008-2009.

En chiffres absolus, cela signifie que 92 personnes, en 2012-2013, ont commis un délit avec violence durant leur période de surveillance en libération d'office. Ce que le gouvernement propose, c'est l'élimination de la période de surveillance dans la communauté et le maintien en incarcération pour la totalité de la sentence pour un nombre important de personnes, si l'on se fie aux critères énoncés.

Une fois la période d'incarcération terminée, ces personnes seront remises en liberté sans aucune forme d'encadrement ou de surveillance contrairement à ce que prévoit le régime actuel de libération d'office. La communauté sera-t-elle mieux protégée lorsqu'elle aura à accueillir des récidivistes non préparés pour leur réintégration sociale et communautaire, et non soumis à des mesures d'encadrement et d'accompagnement dans la communauté ?

Poser la question, c'est y répondre. Et c'est sans oublier que les quelques mois ou années d'incarcération additionnels auront contribué à augmenter les coûts du système correctionnel, car il en coûte plus de 100 000 $ par année par détenu incarcéré par rapport à environ 30 000 $ par personne sous surveillance dans la communauté.