Accepterait-on qu'une commission scolaire, sous le louable prétexte de fournir l'éducation de la meilleure qualité possible sans compromis, décide d'un ratio de douze élèves par classe et, en raison de budget ou d'effectifs insuffisants, de laisser 20% ou 30% des élèves sur une liste d'attente ou, seule autre option, leur propose l'école privée à leur frais? Inimaginable!

Pourtant, depuis 20 ans, c'est ce qu'on tolère en santé. Alors que le Québec a des budgets et des effectifs en santé comparables à nos voisins, toute tentative de corriger la situation a fait gonfler les dépenses avec bien peu de résultats sur l'accessibilité.

Étant moi-même médecin de première ligne, je crois que mes confrères et consoeurs ne sont pas paresseux et je ne crois pas non plus qu'on puisse forcer ceux qui ont choisi une pratique adaptée à leur situation à augmenter considérablement leur tâche. Même le choix de travailler à temps partiel ne saurait être réprimé, si la rémunération était réduite proportionnellement.

Ma solution: rendre l'inscription dans un GMF, clinique ou CLSC, un droit fondamental et la dispensation de soins à tous dans des délais acceptables - et parfois même dans la journée - , une obligation incontournable. Ce qui, instantanément, réduirait de 80% les délais d'attente à l'urgence!

Qu'est-ce qui se passerait, alors, dans les cliniques? Si on ne veut pas travailler davantage, on travaillerait autrement. Par exemple, on remettrait en question la nécessité ou la fréquence des examens médicaux périodiques: il y a peu de préjudices à réduire la fréquence de ces examens chez les hommes de moins de 50 ans sans symptômes et en bonne santé; chez les femmes du même groupe d'âge, une grande partie du suivi de la contraception et des tests PAP serait réalisable par les infirmières.

Pour les gens avec des conditions médicales stables et pas trop complexes, les infirmières pourraient aussi alléger le travail des médecins. Aussi, on peut profiter d'une visite pour une condition plus urgente pour prescrire de nouveau ou réévaluer le traitement de ses autres conditions médicales, plutôt que de le revoir deux ou trois mois plus tard.

Une tâche très exigeante en temps pour le médecin de famille est le suivi des conditions psychologiques, troubles anxieux ou dépressifs. Pourquoi pas des psychologues dans les cliniques médicales? On trouverait beaucoup d'autres façons d'optimiser le travail et les compétences de chacun.

Comment faire accepter ce changement par les médecins? Je suis sûr que beaucoup de mes confrères pourraient envisager comme un défi intéressant cette nouvelle définition de tâches, ou du moins finir par l'accepter s'ils n'avaient pas le choix. L'incitatif: une rémunération mixte par montant forfaitaire ou capitation selon le nombre d'inscriptions (montant forfaitaire non coupé si le bénéficiaire n'a pas eu besoin de consulter, mais amputé si un certain pourcentage de patients inscrits ont dû consulter ailleurs) et rémunération à l'acte pour le reste.

Les guichets d'accès actuels, qui gèrent des listes d'attente interminables, assureraient un équilibre du nombre d'inscriptions quand plusieurs ressources sont disponibles dans la même région. Et les plans régionaux d'effectifs médicaux assureraient le remplacement des médecins qui cessent leur pratique et une répartition juste des nouveaux effectifs, entre les régions et à l'intérieur de celles-ci.

Ce plan, à mon avis, aurait l'avantage d'utiliser les lieux de services existants, GMF, cliniques, CLSC, sans apport immédiat majeur de nouvelles ressources budgétaires ni de nouvelles structures.