La nomination de l'unilingue Rob Nicholson au poste de ministre des Affaires étrangères ne passe pas la rampe. Même le premier ministre du Québec a invité le nouveau ministre à suivre des cours de français. Le Canada doit avoir un chef de la diplomatie bilingue, ou du moins capable de se débrouiller dans les deux langues officielles. Telle est l'exigence formulée aujourd'hui de toutes parts au Canada français.

Pour bien des fonctions de haute responsabilité, tels le ministre des Affaires étrangères ou le Vérificateur général, l'unilinguisme qui était toléré autrefois ne l'est plus aujourd'hui. L'exigence de bilinguisme augmente avec le temps, et c'est une bonne chose.

Il faut y voir l'extension, à la dualité linguistique canadienne, d'un principe fondamental de notre pays, émis par le Conseil privé dès les années 30: l'interprétation de notre Constitution doit être évolutive, de manière à tenir compte des changements de la société canadienne. La Constitution est donc un «arbre vivant susceptible de croître et de se développer à l'intérieur de ses limites naturelles». C'est d'ailleurs en vertu de ce principe de «l'arbre vivant» que, par exemple, la Cour suprême a récemment renversé sa position à propos de l'aide médicale à mourir.

Il en va de même d'un autre de nos textes fondamentaux, reconnu par la Cour suprême comme ayant une portée quasi constitutionnelle: la Loi sur les langues officielles. L'interprétation et la mise en pratique de cette loi évoluent avec le temps, suscitant de nouvelles attentes et de nouvelles exigences.

Face à cette exigence accrue de bilinguisme, le gouvernement fédéral doit redoubler de vigilance et, en premier lieu, fermer la porte à tout recul, non seulement pour les nominations aux postes clés, mais pour tout ce qui se rapporte à la dualité linguistique canadienne. Voici quelques exemples, tirés de l'actualité récente: en cas d'urgence, comme celui qui est survenu sur la Colline du Parlement le 22 octobre 2014, les informations doivent être communiquées aussi vite en français qu'en anglais. Et on ne doit plus penser à fermer une institution bilingue aussi cruciale pour la sécurité que le Centre de sauvetage maritime de Québec, qui répond aux appels de détresse.

Autre recul à éviter: il faut trouver le moyen de corriger la situation, engendrée par un jugement récent de la Cour suprême, qui fait qu'un francophone lésé dans les droits que lui confère la Loi sur les langues officielles ne puisse pas recevoir de dommages-intérêts si ce vol est international.

Il ne suffit pas de ne pas revenir en arrière, il nous faut nous donner les moyens de progresser. Il faut instaurer un nouveau plan de relance pour les langues officielles et les communautés en situation minoritaire; un vrai plan qui tient compte de la hausse du coût de la vie et de l'apparition de nouveaux besoins, pas une illusion faite d'argent recyclé. Il faut réduire, voire éliminer les listes d'attente pour les écoles d'immersion. Il faut développer les programmes d'échange entre communautés des deux langues. La grande majorité des Canadiens veut que ses enfants apprennent les deux langues officielles. Il faut combler ce besoin légitime. Il faut renforcer, et non affaiblir, les institutions représentatives de notre dualité linguistique, comme Radio-Canada/CBC. Et l'exigence de bilinguisme doit s'étendre pleinement aux communications électroniques des ministres.

Le Canada a l'immense chance d'avoir comme langues officielles deux langues internationales, formidables fenêtres sur le monde. Elles qui ont façonné notre passé seront plus que jamais une condition de notre succès dans l'avenir. Tel un arbre vivant.