En novembre dernier, le gouverneur de la Banque du Canada a fait appel à la rigueur des gouvernements, les invitant à ne pas sombrer dans l'austérité. Stephen Poloz évoquait la possibilité de «vents contraires» à la croissance économique.

Redoutant le pire, il a agi le 21 janvier dernier en abaissant le taux directeur de 1,00% à 0,75%. Une baisse de 0,25% est-elle significative? Oui. Ce signal était majeur. A-t-il été bien suivi? Non, et c'est dommage.

La première réaction des institutions bancaires et coopératives fut d'invoquer la surprise, prenant ainsi une semaine pour réagir. On repassera pour la «surprise»: depuis l'an 2000, la Banque du Canada a une politique transparente de révision de ses taux. Les dates sont connues, la prochaine est le 4 mars. Il faudra être aux aguets!

Malgré les intentions annoncées de ne pas respecter le souhait de la banque centrale, mais sans doute après quelques appels du pied, les six grandes banques, Desjardins et les autres institutions bancaires abaissèrent leurs taux, mais en se gardant une petite marge de 40%. En effet, n'accorder que 15 points de base (équivalent des centièmes de pourcentages) sur les 25 points de base fortement suggérés, c'est se garder un profit de 40%. Alors pourquoi?

Début de fronde?

Ces gestes coordonnés sèment un doute: y a-t-il un début de fronde contre la politique monétaire? En période d'incertitude et de turpitude, ce n'est pas le temps de jouer aux plus fins.

Premièrement, au cours d'une telle période instable, lorsque l'autorité bancaire indique le chemin à suivre, il faut le prendre, et ce, sans délais indus. S'il avait été question d'une hausse des taux, parions que les prix des produits bancaires auraient augmenté immédiatement (un taux d'intérêt, c'est le prix de produits comme des hypothèques, des emprunts, etc.). Cela rappelle les variations des prix de l'essence...

Deuxièmement, la baisse de 0,15% au lieu du 0,25% est une première canadienne. Jamais dans toute l'histoire financière la baisse appliquée ne fut inférieure à 0,25%. Les chiffres ont l'apparence d'être marginaux; un «petit» 6 jours de retard par-ci, un «petit» 0,10% par-là... sauf que ce dernier, par exemple, pourrait représenter pour les banques un gain supplémentaire de 4 milliards par année, appliqué sur leurs actifs totaux. Rien n'est marginal dans la gestion de la politique monétaire d'un pays.

La conjoncture économique n'augure rien de bon et, déjà, certains croient que le 4 mars, le gouverneur annoncera une autre baisse de 0,25%. Qu'arrivera-t-il alors? Les banques et coopératives auront trois choix: suivre timidement le 0,25%, s'entêter avec un irresponsable 0,15%, ou faire amende honorable et diminuer les taux de 0,35%, rattrapant ainsi le retard.

Le système bancaire et coopératif canadien est, semble-t-il, en libre concurrence. La preuve pourrait en être faite si l'une des institutions visées sortait du rang...