Avant même la première pelletée de terre, le projet de parachèvement de l'autoroute 19 est un véritable fiasco. À l'heure de l'austérité budgétaire, alors que l'on coupe dans les garderies, les écoles et les transports collectifs qui desservent plus d'un million de personnes au Québec, dépenser un demi-milliard pour huit kilomètres d'autoroute qui desserviront 6600 véhicules entre Bois-des-Filion et Laval est proprement scandaleux.

L'autoroute 19 est un éléphant blanc. À 65 millions du kilomètre, ou 77 000 $ par usager, il s'agit probablement d'un des projets routiers les plus coûteux de l'histoire du Québec.

Mais au-delà des considérations financières, le dossier de l'A19 soulève des enjeux fondamentaux de sécurité routière. À son extrémité nord, cette voie se termine sur une route parsemée de croix blanches témoignant des nombreux décès qui se sont produits sur ce tronçon routier dangereux. Au sud, elle déverse 60 000 véhicules par jour dans un quartier résidentiel, Ahuntsic-Cartierville, qui souffre en conséquence de l'un des plus mauvais bilans de sécurité routière de toute l'île de Montréal, selon les données de la Direction de la santé publique (DSP).

Le projet de parachèvement de l'A19 vise à améliorer la sécurité routière et la fluidité au nord, mais ignore totalement la problématique qui prévaut au sud. Le ministère des Transports du Québec prétend que le débit du pont Papineau n'augmentera pas à la suite du parachèvement, ce qui relève de la pensée magique dans une région où le parc automobile croît deux fois plus rapidement que la population. Et à la fois Québec et Montréal se lavent les mains des enjeux de sécurité routière soulevés par ce projet.

Les chiffres de la DSP sont pourtant éloquents. De 1999 à 2008, 200 enfants et personnes âgées ont été blessés par des voitures dans Ahuntsic, 300 dans Rosemont, et 350 dans Villeray, les trois arrondissements où le trafic de l'A19 se déverse soir et matin. Ce sont près de 1000 enfants et aînés en une décennie. Deux blessés par semaine. Toujours selon la DSP, la corrélation entre le volume de circulation et le nombre d'accidents est parfaite. Chaque pourcentage d'augmentation du nombre de véhicules augmente le nombre de blessés en même proportion. Il est urgent de réduire la circulation de transit pour faire cesser cette hécatombe.

En accordant son appui au parachèvement de l'A19, le maire Coderre abandonne ses citoyens, particulièrement les enfants et les personnes âgées, principales victimes d'une circulation automobile qui a envahi les quartiers centraux de Montréal. Et que dire du maire d'Ahuntsic-Cartierville, Pierre Gagnier, qui est allé défendre le projet alors que ses électeurs y sont opposés ? Qui défendra les enfants d'Ahuntsic, Villeray ou Rosemont pour qu'ils puissent traverser une rue ou faire du vélo en sécurité, comme ceux de Bois-des-Filions ?

Si le maire Coderre défendait vraiment sa ville et ses citoyens, il réclamerait un projet de boulevard urbain avec des investissements majeurs en transports collectifs qui réduiraient le trafic de transit dans les quartiers de Montréal. S'il défendait sa ville, il rejetterait une infrastructure qui favoriserait l'étalement urbain et l'exode des jeunes familles alors que sa ville perd annuellement plus de 18 000 ménages qui quittent Montréal et vont payer des taxes et consommer dans des villes de banlieue.

Nous sommes devant une occasion magnifique de repenser l'A19 et d'en faire un modèle de boulevard urbain et de transport collectif au bénéfice de tous, au nord comme au sud. Le maire Coderre doit se remettre à l'écoute des Montréalais et changer son fusil d'épaule. En aura-t-il le courage ?