Le mouvement dit «de désinvestissement», soutenu par le groupe environnemental 350, demande aux universités, aux organismes sans but lucratif ainsi qu'aux particuliers de se dessaisir de leurs participations dans les grandes entreprises pétrolières. Malgré les inquiétudes légitimes qui l'animent, liées aux changements climatiques, l'idée défendue est fondamentalement erronée.

On convient généralement que l'utilisation des combustibles fossiles contribue aux changements climatiques. Bien des gens et des entreprises réagissent par la prise de mesures de conservation et une consommation moindre d'énergie. De nombreuses avancées technologiques permettent aussi de réaliser des économies d'énergie et de rendre plus efficaces les procédés d'extraction. Les automobiles et les camions consomment moins de carburant. Nous savons cependant qu'il reste encore beaucoup à faire.

De manière plus fondamentale, il faut toutefois se demander si les responsables du problème de l'émission de gaz à effet de serre sont les producteurs d'énergie fossile, qui répondent à la demande existante, ou bien ceux qui créent cette demande. Devrait-on blâmer les fabricants fournisseurs d'emplois, dans cette optique, ou les consommateurs qui demandent leurs produits? Le problème vient selon nous de la demande.

Par ailleurs, les «grandes méchantes pétrolières» comptent parmi les principaux investisseurs dans les énergies renouvelables, comme l'énergie solaire ou éolienne, et dans la recherche technologique (notamment la recherche universitaire) qui vise à accroître les économies d'énergie et à assurer un environnement durable. Le retrait des investissements dans ces entreprises serait-il un frein à ces efforts?

Selon un rapport publié par le Sustainability and Education Policy Network (SEPN, www.sepn.ca), malgré tout, 27 campagnes de désinvestissement sont menées en ce moment même au Canada. La plupart sont organisées par des étudiants. Jusqu'à récemment, il n'en était résulté aucune modification véritable des politiques d'investissement. Toutefois en novembre 2014, à titre d'exemple, l'Université Concordia est devenue la première université canadienne à retirer des investissements dans les pétrolières - 5 millions de dollars - , de son fonds de dotation.

C'est votre affaire si, à titre individuel, vous choisissez pour des raisons «morales» de ne pas investir dans des entreprises par ailleurs rentables. Les décisions de placement des fonds de dotation universitaires doivent par contre s'appuyer sur un critère: quels sont investissements les plus profitables? Si les pétrolières sont un mauvais placement, il est judicieux d'en retirer ses investissements. Sinon, ce n'est pas opportun.

Les contribuables canadiens (y compris les entreprises pétrolières) sont de loin la principale source de financement universitaire. Ils ne décident pas là où vont leurs impôts, mais ils se soucient de savoir si l'argent versé aux universités, y compris aux fonds de dotation, est investi de la meilleure manière possible.

Quant aux étudiants militant si énergiquement en faveur du désinvestissement, bon nombre d'entre eux demandent également des frais de scolarité moins élevés, de meilleurs programmes et un financement accru de la recherche. Or, tout cela est financé par ces impôts et fonds de dotation.

Les groupes tels que le 350 et le SEPN jouent un rôle utile, mais ils font fausse route en appuyant le mouvement dit du désinvestissement. Tous, nous nous inquiétons des changements climatiques et souhaitons la réduction des émissions de GES. La solution consiste à réduire la demande en pétrole, toutefois, et non à punir ceux qui répondent tout simplement à la demande.

À propos des auteurs 

- Martha Hall Findlay, ancienne députée, est fellow cadre supérieur à la School of Public Policy de l'Université de Calgary et présidente du conseil consultatif du Partenariat pour le commerce des ressources (www.forceducanada.ca).

- Jean Charest, associé chez McCarthy Tétrault et ancien premier ministre du Québec, préside le Comité directeur du Partenariat pour le commerce des ressources.