Le docteur Gaétan Barrette a quitté la présidence de la Fédération des médecins spécialistes du Québec avec un parachute doré. Pendant son mandat, c'est à même les fonds publics qu'il a pu assurer une augmentation substantielle de la rémunération des médecins.

Devenu ministre de la Santé, il s'est converti à l'austérité avec le recours au tandem classique de la compression dans les structures et des coupes dans ce qui reste de la cagnotte ministérielle. Ainsi, le ministre va se retrouver avec des troupes décimées et démotivées lorsqu'il voudra entreprendre de réformer le système en s'inspirant des succès de la Cleveland Clinic, comme il dit souhaiter le faire.

Pour y avoir passé deux années de fellowship, j'ai pu observer comment cette institution a toujours su mobiliser et inspirer tout son monde à la recherche constante de l'excellence. Cleveland Clinic est une institution privée sans but lucratif avec un revenu annuel de plus de six milliards. Le réseau comprend un campus principal à Cleveland, en Ohio, huit hôpitaux régionaux et dix-huit centres de soins familiaux au nord de l'état, un complexe en Floride, à Las Vegas, à Toronto et plus récemment à Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis.

Voici quelques réflexions de la part du Dr Delos Cosgrove, éminent chirurgien cardiaque devenu président et chef des opérations : «Les soins de santé sont en train de changer. Pour beaucoup, c'est une période d'anxiété. Pour Cleveland Clinic, c'est le temps de l'action... Nous allons favoriser l'accès, assurer la meilleure qualité et nous rendrons les soins de santé plus abordables.»

Si l'on croit aux bienfaits de ce modèle, qu'est-ce qui empêche les économistes du Conseil du trésor et au ministère des Finances et les médecins au sommet de la pyramide gouvernementale de promouvoir la création de centres médicaux spécialisés (CMS) privés sans but lucratif ? Cela établira du même coup les bases d'une mixité souhaitable et incontournable, qui soulagera d'autant notre système public surchargé et amènera l'entreprise privée à contribuer comme partenaire par son apport financier et son savoir entrepreneurial.

La création de zones franches

L'exemple de la collaboration entre l'hôpital du Sacré-Coeur et la clinique Rockland MD est probant. L'évolution de la science et de la technologie augmente constamment la gamme des gestes diagnostiques et thérapeutiques, et les centres hospitaliers peinent à gérer des volumes d'activité parfois considérables. C'est le cas de la chirurgie d'un jour, qui surcharge le bloc opératoire, alors qu'un CMS comme Rockland MD est parfaitement adapté à ce genre d'activité.

Il suffirait de convertir cette «zone franche» en modèle sans but lucratif pour maintenir le projet pilote qui a permis de procéder à des milliers d'interventions en maintenant la qualité des soins et la sécurité des patients.

Il est vrai que notre système de santé est doté d'une structure organisationnelle complexe et difficile à gérer au niveau des agences et du ministère lui-même, mais il est tout à fait illusoire de penser en faire une structure simple et fonctionnelle en un tour de main avec, en prime, un ministre d'office à la microgestion.

Le projet de loi 20 annonce le retour d'une approche coercitive qui a été un échec total pour régler la congestion des salles d'urgence et qui ne sera pas plus efficace pour corriger les lacunes de la première ligne. Il ne faut surtout pas tomber dans le piège de la production en quantité. La qualité des soins doit demeurer primordiale. C'est dans l'action que l'on mobilise les gens et c'est en s'inspirant de modèles comme Cleveland Clinic que l'on arrivera à instaurer une véritable culture de la productivité.