Dans La Presse du 9 décembre, on relatait le témoignage d'un policier lors d'une audition de la Régie des alcools au sujet d'une demande de révocation par le SPVM du permis du bar Muzique, situé dans le Plateau-Mont-Royal.

L'agent soutenait que les propriétaires de plusieurs bars vivent dans la peur constante de représailles de la part de membres de gangs de rue : menaces de voies de fait, incendies criminels, intimidation, incivilités, etc.

Sans commenter cette audition, qui reprend après les Fêtes, je voudrais faire valoir les points suivants de la part de l'Association québécoise de la vie nocturne, que je préside.

Le nombre de plaintes associées à la vie nocturne est en déclin, suivant la tendance générale - d'après le rapport annuel du SPVM, tous les crimes ont baissé de presque 11 % en 2013.

La grande majorité des commerces qui composent ce secteur essentiel, mais négligé, ne pose aucun problème. Parmi les quelques cas problématiques, beaucoup font de leur mieux pour résoudre les problèmes, en travaillant étroitement avec les résidents, la Ville et les policiers.

Mais trop souvent, ces derniers ne retournent pas l'ascenseur.

Des relations difficiles

Les services policiers, frustrés de ne pouvoir poursuivre et emprisonner des malfaiteurs connus sans les prendre en flagrant délit, demandent souvent aux propriétaires des bars de voir eux-mêmes à interdire l'entrée aux criminels dans leurs établissements. Mais les policiers refusent souvent d'identifier ces derniers, imposant ainsi le fardeau de ce triage aux commerçants. Si les bars ne se prêtent pas aux vagues directives de la police, ils sont souvent harcelés et menacés de la suspension de leur permis.

Chez les commerces qui, souvent à leur insu, laissent entrer des criminels, il est chose courante de vivre l'irruption d'une dizaine de policiers qui dirigent leurs lampes de poche dans les visages des clients, renversent les chaises et font preuve d'une incivilité généralisée envers tous les clients dans leur recherche de membres de la pègre. Même s'ils trouvent un indésirable, les policiers ne peuvent rien faire si celui-ci n'enfreint aucune loi. Les gangsters boivent leur champagne et se moquent des policiers, qui s'en prennent par la suite au propriétaire du bar en lui reprochant de tenir des relations avec des criminels.

Ne serait-ce pas plus constructif de placer dans les bars des policiers en civil pour identifier des criminels connus, plutôt que de laisser l'escouade tactique faire un « son et lumière » en pleine soirée ?

Notre association, qui représente la plupart des grands établissements montréalais de vie nocturne dans leurs relations gouvernementales, a maintes fois demandé à la Ville de Montréal de se pencher sur ces questions, jusqu'ici sans résultat.

Nous avons proposé l'embauche de policiers pour aider les portiers de certains bars à interdire l'entrée à des criminels. Une telle mesure résoudrait en grande partie les soucis de la police et les problèmes des tenanciers. Mais jusqu'ici, le SPVM rejette cette initiative, qui est pourtant pratiquée avec succès dans plusieurs grandes villes.

Nous irons maintenant plus loin. Nous allons proposer à l'Assemblée nationale l'adoption d'une loi interdisant l'entrée aux établissements détenteurs d'un permis de la Régie des alcools à toute personne frappée d'une condamnation comme trafiquant de stupéfiants ou comme membre d'un gang criminel. Une telle loi permettrait l'opération paisible d'établissements détenteurs de permis, et ferait enfin la paix entre les bars et le SPVM.

L'un des plus grands soucis de nos membres n'est pas l'intimidation de la part de gangs de rue (jamais invoquée pendant mes trois ans de service), mais plutôt l'intimidation de la part de policiers et le désintéressement total de la part de la Ville.