Tout, ou presque, a été dit sur Jean Béliveau. Cependant, il y a un aspect de sa personnalité dont on n'a pas beaucoup parlé, celui de sa spiritualité.

J'aimerais témoigner d'une expérience bien spéciale que j'ai vécue à ce sujet avec monsieur Jean Béliveau. C'était au début des années 1970. À cette époque, il existait une tradition qui avait pris naissance à Washington, au Congrès américain, et qui s'était répandue dans plusieurs Parlements du monde, dont la Chambre des communes à Ottawa et l'Assemblée nationale à Québec: le petit déjeuner de la prière.

Cette activité multiconfessionnelle, sans couverture médiatique, réunissait pour un moment de recueillement et de prière les députés, les maires, les échevins et les dirigeants d'organismes communautaires ou du milieu des affaires de la grande région de la ville de Québec et se tenait au restaurant parlementaire de l'Assemblée nationale.

La tradition voulait que ce petit déjeuner soit organisé par le premier ministre ou un de ses ministres. Cette année-là, le premier ministre Bourassa m'avait confié l'organisation du déjeuner de la prière et la tâche de trouver une personnalité de marque qui accepterait de venir témoigner de sa foi et comment il ou elle avait réussi à conjuguer sa spiritualité avec son travail ou ses activités professionnelles.

J'entrepris donc des consultations pour trouver une personnalité qui accepterait de venir s'adresser aux participants du déjeuner de la prière. J'appris que Jean Béliveau avait accepté de participer à une activité de prière qu'un groupe restreint d'une dizaine de personnes du milieu des affaires avait tenue, quelques mois auparavant, au Club Saint-Denis de Montréal.

Je communiquai avec Jean Béliveau pour lui parler du petit déjeuner de la prière de l'Assemblée nationale et savoir s'il accepterait d'être notre invité d'honneur. Notre conversation fut très amicale et monsieur Béliveau me promit de réfléchir à l'invitation et qu'il me donnerait une réponse rapidement. Deux jours plus tard, il me rappelait pour me dire qu'il acceptait.

Le jour venu, devant un restaurant parlementaire rempli au maximum de sa capacité, monsieur Jean Béliveau se leva de son siège et, calmement, entreprit de s'adresser aux quelque 200 participants. On aurait entendu une mouche voler, tellement le moment était empreint de dignité. Presque tous les convives avaient vu évoluer Jean Béliveau sur la glace du Colisée de Québec ou du Forum de Montréal, mais personne n'avait jamais pensé qu'un jour il verrait ce virtuose du hockey parler simplement, mais avec conviction et franchise, de sa spiritualité et de ses croyances religieuses.

Jean Béliveau se tenait droit et de ses 6 pieds, 3 pouces, sans texte, sauf quelques notes manuscrites, et il parla pendant près de 30 minutes de son enfance et des valeurs que lui avaient inculquées ses parents. Il parla des voyages par train que l'équipe devait effectuer après la joute du samedi soir au Forum pour se rendre à Toronto, Boston, New York, Detroit et même Chicago, et expliqua comment durant sa carrière de hockeyeur il s'arrangeait pour assister à la messe le dimanche.

Sa prestation faite avec dignité et sans aucun dessein ostentatoire fut remarquable et, sans vouloir déprécier les témoignages des autres personnalités qui se présentèrent les années suivantes à la tribune du petit déjeuner de la prière, monsieur Béliveau laissa dans l'esprit et le coeur de son auditoire un sentiment de respect au point où, plusieurs années après, on me parlait encore comment son témoignage avait marqués et influencés dans leur spiritualité personnelle les invités de cet événement.