Les commissions scolaires (CS) ont eu beau essayer d'expliquer pourquoi il fallait aller voter, ce fut peine perdue. Les électeurs ont compris : à peu près tout ce qui compte en éducation se décide ailleurs qu'au conseil des commissaires.

Par leur abstention massive, les électeurs ont néanmoins parlé : la démocratie scolaire, telle que nous la connaissons, n'est plus perçue comme valant la peine de se déplacer. Le jeu n'en vaut plus la chandelle ; c'est le moment d'en changer les règles.

Depuis plusieurs années, des voix proposent diverses réorganisations, comme une autre ronde de fusions de CS, des mises en commun de certains services (achats, etc.) à l'échelle du Québec ou encore la prise en charge de certaines fonctions (gestion du parc immobilier, etc.) par des villes. Et surtout, accorder aux écoles publiques qui le désirent une plus grande autonomie administrative et pédagogique. Cette autonomie libérera le talent des directeurs et éducateurs qui désirent innover.

Mais pour véritablement ouvrir ce chantier, il faut aussi secouer l'ordre établi au niveau politique. Dans une commission scolaire, c'est l'entité administrative qui gère les écoles ; la structure élective englobe le conseil des commissaires, le pouvoir de déterminer le taux de la taxe scolaire et les élections scolaires. C'est uniquement la structure élective qu'il y a lieu d'abolir.

Les représentants des commissaires répondent que notre système politique exige que le niveau d'une taxe soit décidé par des élus. L'an dernier, suivant des coupes budgétaires, certaines CS ont exercé leur droit d'augmenter la taxe scolaire. La ministre de l'Éducation a alors déposé un projet de loi pour les obliger à rembourser les contribuables. Ce printemps, un comité d'experts a proposé de fixer un taux de taxation unique à travers Québec. En pratique, le pouvoir des commissaires de fixer le taux de la taxe scolaire est devenu une fiction.

Si la structure élective était abolie, la taxe scolaire pourrait être maintenue, mais elle serait fixée par le gouvernement et collectée par Revenu Québec. Les CS sont déjà financées à 80 % par Québec ; elles le seraient alors en totalité. Ainsi, fini le jeu ridicule entre le gouvernement et les CS qui se renvoient l'un l'autre la patate chaude quand il faut hausser la taxe ou réduire un service.

L'autre objection à l'abolition de la structure élective est d'ordre politico-constitutionnel. Dans les CS anglophones, le taux de participation a été largement supérieur à celui du côté francophone. En se donnant la peine de se déplacer, les Anglos ont montré qu'ils tiennent davantage à cette structure que la majorité francophone. Par ailleurs, notre minorité de langue officielle jouit d'un droit constitutionnel de gérer son système d'éducation, tout comme les communautés francophones ailleurs au Canada. Ce droit est compris comme entraînant celui d'élire les dirigeants de leurs structures scolaires.

Pour ces deux raisons, une réforme de la démocratie scolaire ne devrait viser de prime abord que les CS francophones. Rien ne nous oblige d'imposer un modèle unique à l'ensemble du Québec. Au niveau municipal, on retrouve plusieurs modèles de gouvernance en fonction du degré d'attachement des citoyens à leurs structures locales. Dans le fédéralisme canadien, le Québec a toujours plaidé pour une forme de statut spécial. L'asymétrie dans la gouvernance publique, y compris celle des écoles, représente une voie porteuse pour trouver une issue aux problèmes complexes.

Après avoir défendu les commissaires scolaires pendant une décennie, voici maintenant que les libéraux admettent la pertinence d'une réforme. Cela rappelle le mot de Schopenhauer : « Toute vérité franchit trois étapes. D'abord, elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant été une évidence. »