L'auteur réagit à la chronique de Francis Vailles Nos universités sont-elles inefficaces?, publiée lundi dernier.

Dans La Presse du 20 octobre dernier, Francis Vailles posait la question «Nos universités sont-elles inefficaces?» Sa réponse voulait que la faute en incombe aux professeurs parce qu'ils seraient grassement rémunérés et qu'ils ne travailleraient pas assez. Il disait s'appuyer sur un Bulletin statistique de l'éducation (2011), lequel avançait que, par comparaison avec l'Ontario, le financement universitaire au Québec était trop généreux.

Ce document - qui concernait l'année 2008-2009 - a été très sévèrement contesté pour ses références et sa méthodologie et il n'a servi qu'à tenter de justifier les orientations budgétaires du gouvernement de l'époque.

Il ne faut pas chercher longtemps pour comprendre les raisons d'y revenir. Mais le discours gouvernemental, croyant nous y préparer, nous a prémunis contre un tel argumentaire.

La rémunération des travailleurs est un sujet embarrassant surtout à l'approche d'un renouvellement de conventions collectives. Pourtant, les salaires des professeurs syndiqués sont publics et ils font toujours l'objet de négociations serrées. Ils sont établis sur une base non arbitraire, comparable, donc, eu égard aux qualifications exigées et à l'ampleur de la tâche et des responsabilités professorales.

Sauf exception, au Québec, les professeurs d'université détiennent un doctorat, enseignent aux trois cycles et accomplissent des activités de recherche, de création et de formation scientifique ainsi que de services aux communautés, conformément à leur contrat de travail. Lors de la grève des professeurs de l'UQAM, en 2009, la firme-conseil AON avait été mandatée par l'employeur pour évaluer leurs tâches et leurs conditions salariales. Son rapport a démontré que les professeurs de l'UQAM travaillaient tout autant que leurs collègues, mais qu'ils étaient nettement sous-payés, contrairement à la rumeur que faisait circuler le gouvernement.

C'est ce même genre de rumeurs et de faussetés qui prévoyaient, année après année, une diminution de la fréquentation étudiante, justifiant un financement moindre des établissements. Tout le contraire s'est produit: les effectifs étudiants n'ont pas cessé de croître, tandis que stagnait le nombre des professeurs. La disproportion s'est aggravée avec un sous-financement chronique. La conséquence était prévisible: les professeurs ne suffisent tout simplement plus à la tâche. Les classes débordent; l'encadrement pédagogique devient plus exigeant, voire impossible.

Le manque de ressources touche l'ensemble du corps professoral qui a vu s'alourdir les autres tâches, en particulier la recherche, qui est partie intégrante de la fonction et qui est essentielle à l'université. La pression ne cesse de s'accentuer sur les professeurs qui doivent être à la fois des pédagogues et des chercheurs. Combien d'heures de travail cela exige-t-il? Une enquête de la FQPPU menée en 2008 établissait à 50,5 heures par semaine le temps de travail moyen des professeurs d'université et à 51,7 heures le temps de travail de ceux qui détiennent des subventions de recherche. Une autre étude, menée au même moment par des chercheurs de l'Université de Toronto, a révélé un résultat comparable: les professeurs d'université au Canada travaillent en moyenne 50 heures par semaine. Ces enquêtes étaient dans le droit fil de plusieurs rapports qui vont dans le même sens.

Par ailleurs, depuis 2008 dans les universités québécoises, la charge de travail a encore augmenté avec la hausse de la fréquentation étudiante (surtout aux 2e et 3e cycles) et la diminution des fonds de recherche disponibles, tandis que le financement de base a toujours été insuffisant.

Si les universités sont en grande difficulté, si certains peuvent les trouver «inefficaces» (sic), c'est bien parce qu'elles sont appauvries depuis des années et que celles et ceux qui font un travail essentiel n'y trouvent plus l'espace et le soutien nécessaires pour accomplir leur mission entière. Il existe pourtant des solutions à ces problèmes structurels, mais que le gouvernement refuse de voir, préférant jeter le discrédit sur les travailleurs et provoquer une dégradation des services à notre collectivité.

Réponse de Francis Vailles

La chronique rapporte les chiffres d'une étude sérieuse et suggère d'approfondir le sujet par d'autres moyens. Plusieurs professeurs sont probablement productifs et plusieurs facultés bien gérées, mais j'ai reçu trop d'échos d'abus et de sous-performance. Par ailleurs, au début des années 80, les profs d'université gagnaient 38% de plus que les profs de cégep, écart qui est de 62% aujourd'hui, selon l'étude en question.