Mercredi, un acte criminel lâche et ignoble s'est produit au parlement d'Ottawa. Un individu a ouvert le feu, tuant un pauvre soldat (paix à son âme).

Plié sur ma note médicale lors de ma garde de jour, englouti dans mes idées, j'entends quelqu'un me lancer à la blague: «Alors c'est vous, les musulmans, qui nous attaquez!»

Je reste scotché sur ce moment, car je ne sais pas de quoi il parle. Je tapote sur mon smartphone et je comprends ce qui s'est passé. Je vois aussi une vague de commentaires: «C'est l'islam, les musulmans sont partout, ils veulent nous envahir, ils veulent nous imposer la charia, la prochaine étape c'est les bombes.»

Avant même qu'on identifie le tueur et les raisons de cet acte criminel, les conclusions fusent de partout. Une vague de racisme caché émerge, alimentée par des sous-entendus médiatiques jetant l'huile sur le feu: le tireur avait une barbe et de longs cheveux noirs. Va comprendre. Un délire quoi...

Le pire dans tout ça c'est que moi aussi au fond, je jouais le jeu inconsciemment. Tout ce que j'espérais c'est qu'il ne soit pas musulman. J'étais en train de réfléchir à me justifier et me distancer de cet acte criminel, je me préparais à faire au premier qui me poserait la question une conférence sur l'histoire de l'islam, de l'extrémisme religieux présent dans toutes les doctrines, l'histoire du conflit au Proche-Orient, le rôle de l'occident dans la création de crise et de groupuscules terroristes, de la situation géopolitique dans la région. Une vraie contre-attaque avec des faits logiques et mesurés, je jubilais juste à m'imaginer faire tomber des préjugés par des arguments de béton.

À ce moment-là, je me suis posé cette question: pourquoi je devrais faire ça, je n'ai rien à voir avec cette histoire? Je suis un être innocent et pacifique. Si un criminel tue des gens, que ça soit un musulman ou un autre, pourquoi tomber dans le piège de l'autoflagellation?

C'est aux autres de faire l'effort de réflexion et de pouvoir faire la différence. Hélas, le cerveau humain adore les associations simples et faciles.

Pour ma part, je me sens chanceux, car j'ai une situation professionnelle qui me permet d'expliquer, de me faire entendre, de donner mon avis de manière à ce qu'il soit respecté. Je possède heureusement le vocabulaire et les capacités nécessaires pour adapter mon discours en fonction des connaissances de mon interlocuteur. Mais qu'en est-il de ce pauvre chauffeur de taxi, du fonctionnaire ou de l'ouvrier immigrant dont le seul souci est de garder son emploi et nourrir sa petite famille? Il devra subir l'ignorance des autres, les regards de travers, les sous-entendus, tout en s'écrasant.

Que fera ce chercheur d'emploi, de stage ou encore de logement qui se fera refuser sa demande parce qu'il s'appelle Ahmed ou Mohammed? Que fera ce Mohammed qui se fera passer pour un Pierre, s'obligera à cacher son identité au point d'adopter des habitudes qui ne sont pas les siennes? Je vais vous dire qu'est ce qu'il adviendra d'eux: ils vont finir soit par me rendre visite en psychiatrie, soit par se renfermer sur eux même avec de la haine pour leur société d'accueil, se plaisant dans leur rôle d'étranger éternel.

Leur rôle ne se limitera plus à construire, seulement à profiter du système. Certains deviendront des proies faciles pour l'extrémisme religieux, d'autres finiront par aller se trouver d'autres cieux où ils pourront vivre leur identité sans se faire montrer du doigt.

Tant que les médias et la société civile ne prendront pas leurs responsabilités au sérieux, 99,99% des musulmans dans ce pays vont souffrir des actes d'une infime minorité d'abrutis à des milliers de kilomètres d'eux.

En écrivant cet article, je me sens sur la défensive, ce qui est triste et ne devrait pas avoir lieu dans une société, suivez mon regard, qui se veut inclusive.