Extrait tiré du livre Les Orphelins politiques, des Éditions du Boréal, à paraître le 7 octobre

Comme le soulignent plusieurs analystes, la polarisation des dernières années entre nationalistes et fédéralistes a été supplantée par d'autres débats fondamentaux. À cela, il faut ajouter que, 19 ans plus tard, les deux clans adoptent des positions moins émotives et radicales, ce qui ouvre la porte à davantage de coopération sur d'autres enjeux.

Une autre caractéristique de ces années est l'instrumentalisation de la politique au profit d'intérêts privés, tant sur les plans municipal et provincial que fédéral. Cette période, marquée par les conflits d'intérêts et la corruption, tire également à sa fin. Même si la commission Charbonneau ne termine pas ses travaux avant la fin de l'année 2014, il semble qu'un changement dans la mentalité et les moeurs politiques soit en train de s'opérer.

Le gouvernement Marois l'a appris à ses dépens lorsqu'il a offert en douce un poste de haut fonctionnaire à André Boisclair alors qu'il était déjà délégué général du Québec à New York, ou encore au moment de la nomination de l'ancien ministre Sylvain Simard au conseil d'administration de la SAQ ou du conseiller politique Jean-Yves Duthel comme représentant d'Investissement Québec. De telles pratiques ne seront désormais plus une composante inévitable de la politique, ce qui amènera fort probablement des candidats de qualité, jusque-là spectateurs passifs et découragés, à s'intéresser à la sphère politique.

Un autre facteur favorisant l'émergence de candidats progressistes est le départ des baby-boomers du marché du travail et de la vie politique active. Ce départ marquera la fin de vieilles pratiques politiques ancrées qui ne correspondent plus à la volonté populaire, et offrira à la génération suivante la possibilité de faire les choses à sa manière. Les nombreux changements récents dans l'organisation du marché du travail témoignent de ce réagencement générationnel. La génération Y aura le champ libre et voudra remodeler à son image la scène politique, dont elle s'est jusqu'à aujourd'hui tenue à l'écart. Ainsi, il est possible que les trois principaux candidats aux élections de 2012, soit Jean Charest, François Legault et Pauline Marois, aient incarné une époque et des pratiques politiques bientôt révolues.

Les défis pour le progressisme sont bien réels, mais les occasions ne manquent pas. Pour répondre adéquatement à cette conjoncture unique et émerger en une option gagnante, les progressistes devront innover et effectuer des changements importants tant dans leur approche que dans la société québécoise dans son ensemble. À ce titre, ils devront dissocier leur projet de la question de la souveraineté du Québec, incarner la rigueur et la compétence, s'approprier le langage économique, occuper la sphère médiatique, convaincre le votant médian, contrer la corruption par des changements structurels profonds et cesser de défendre l'indéfendable.