Rassembler dans un grand ensemble plusieurs entités condamne immanquablement au phénomène des vases communicants. Les plus gros et plus gourmands aspirent les ressources des plus petits, ce qui signifie en clair le risque que les hôpitaux, lorsqu'en déficit, aspirent goulûment les ressources des autres entités.

On a déjà observé sur le terrain les pressions qui s'exercent à cet effet depuis la réforme Couillard : votre directeur en CLSC qui vous dit de temps à autre que votre service devra se serrer la ceinture parce que l'hôpital de votre CSSS est en déficit. Alors, imaginez avec ce qu'annonce le ministre Barrette !

C'est le risque du retour à l'hospitalo-centrisme, qui fait de l'hôpital le coeur du système de soins avec ses avantages et surtout ses effets pervers. C'est mettre l'accent sur une approche privilégiant le curatif médical, au détriment du préventif et de la promotion de la santé. Le travail en périnatalité, en santé mentale, en intervention psychosociale, en soutien à domicile, en prévention du tabagisme, etc., porte des fruits en aval, diminuant à court et moyen terme le recours à des interventions lourdes (hospitalisations, interventions chirurgicales, pharmacothérapie, etc.). Dans une logique comptable, ces activités pourtant importantes et rentables risquent d'être tassées au profit des urgentes et coûteuses interventions hospitalières.

D'autres dégâts à prévoir

On parle donc d'hospitalo-centrisme quand l'hôpital se trouve à la place centrale et prépondérante du système de santé. C'est ce qui risque fort d'arriver avec cette super centralisation du système de santé. Le ministre Barrette croit pouvoir microgérer à l'échelle du Québec, mais il devra rapidement remettre les responsabilités aux grands acteurs que sont les hôpitaux et leur accorder une place prépondérante dans l'ensemble du système. La réforme Couillard a déjà fait des dégâts dans le système de centres locaux de services communautaires (CLSC), imaginez la suite.

Nous avions choisi au Québec de privilégier le développement d'un réseau extrahospitalier, mais parions que ces mégastructures auront tôt fait d'avaler et de diluer ce réseau. Quel dommage ! Surtout pour une solution qui, jusqu'à maintenant, n'a pas donné de résultats. La « restructurite » aura également pour impact de démobiliser le personnel. Celui-ci en a déjà assez de consacrer autant d'énergie à rebrasser les cartes. Pendant ce temps, on ne met pas l'attention et l'énergie sur le développement clinique. Le personnel n'est pas dupe : c'est le patient qui va écoper malgré les propos mielleux et rassurants du ministre.

Les sciences managériales suggèrent aux dirigeants d'être à l'écoute et de penser d'abord aux réactions qu'ils risquent de générer parmi leurs troupes avant de décider de leurs actions.

On assiste plutôt au jour de la marmotte. Quel triste scénario et quel entêtement pathologique.