L'électorat a été très dur avec le Parti québécois le 7 avril dernier. Très dur avec notre projet de faire du Québec un pays. Pour les indépendantistes convaincus que nous sommes, découvrir que moins de 30 % des Québécois partagent en ce moment notre idéal, constater que les trois quarts de nos concitoyens sont réfractaires, pour ne pas dire allergiques, à la tenue d'un référendum, cela fait mal.

Les militants du PQ sont conviés à une grande consultation cet automne, dans chaque circonscription. Puis une campagne à la direction permettra de choisir, avec un nouveau chef, une direction à prendre.

À mon avis, deux avenues seulement sont possibles : rester sourd à l'humeur actuelle des Québécois, revenir immédiatement à la charge avec notre projet, sous une forme ou une autre, aux élections de 2018, se cogner durement la tête sur le mur de l'opinion et ainsi donner pour longtemps les clés du pouvoir aux libéraux. À moins d'un imprévisible retournement de situation d'ici-là, j'estime que les Québécois fermeront les portes du pouvoir à un PQ qui voudrait mettre l'État au service de son option.

L'autre avenue, plus ardue pour nous, indépendantistes, mais plus porteuse pour l'avenir, consiste à prendre acte du recul de notre option dans l'électorat. À admettre qu'un important travail de reconstruction de l'opinion souverainiste doit se déployer avant d'en faire, à nouveau, un enjeu électoral. Le PQ et ses partenaires doivent s'astreindre à une vaste et permanente entreprise d'éducation populaire, en particulier, mais non seulement envers les jeunes, pour redonner le goût de l'indépendance.

Au plan électoral, si la situation change peu, j'estime que le PQ devrait, lors de l'élection de 2018, s'engager sans ambiguïté à ce qu'un gouvernement péquiste ne tienne ni référendum ni référendum sectoriel, d'initiative populaire ou autre, conduisant à la souveraineté, au cours du mandat. Entendre le message de la dernière élection, c'est reconnaître que les Québécois ont rejeté non seulement l'ambivalence, mais tout procédé qui les entraînerait sur le chemin d'un référendum à court terme.

Prendre le temps

Est-il utile de prendre cette décision maintenant ? Je ne crois pas et je soumets une hypothèse : qu'un an avant l'échéance électorale, le Parti québécois décide de la place qu'occupera, ou non, la souveraineté lors de l'élection à venir. Ce mécanisme à inventer doit impliquer les membres, les militants, le chef. Ce serait vrai pour l'élection de 2018, et pourrait l'être aussi pour l'élection suivante. Lorsque notre effort d'éducation indépendantiste aura porté ses fruits, arrivera un moment où on pourra présenter un projet précis et un échéancier aux Québécois. Mais il faut reconnaître que ce moment n'est pas imminent.

À quoi bon gouverner si ce n'est pas pour faire l'indépendance ? Du moins pas immédiatement ? D'abord parce qu'un pouvoir libéral prolongé sera corrosif pour l'identité québécoise elle-même. On n'a qu'à voir comment le gouvernement Couillard a annulé les cours d'histoire, n'envisage aucune défense de la langue française, a comme objectif de rendre le Québec plus semblable à « la moyenne canadienne », affaiblit le réseau québécois à l'étranger. Il sape les ressorts du nationalisme québécois.

Chaque fois qu'il fut au pouvoir, le Parti québécois a fait l'inverse : tabler sur la différence québécoise pour progresser dans tous les domaines, langue, éducation, recherche, économie, agriculture. Construire, ici, une nation. La conduire, ensuite, à son indépendance.

Il y a des moments où il faut accélérer la marche. C'était le cas en 1995 et, à mon avis, en 1996. Il y a des moments où il faut savoir gérer le temps. Et respecter les Québécois.