Il semble régner une telle unanimité autour de la récente déclaration du Dr Bolduc au sujet des livres, que je me suis dit qu'il doit bien y avoir une petite place pour une opinion discordante.

Comprenons-nous bien, je suis loin d'être un admirateur du ministre; ce serait plutôt le contraire. Je trouve que chaque fois qu'il s'exprime, il fournit une nouvelle preuve que la pauvreté de sa pensée n'a d'égal que sa totale méconnaissance de la langue.

Cela dit, je trouve que les chroniqueurs et les politiciens de tous les côtés (incluant le sien) ont été très rapides à condamner ses propos. Même des intellectuels comme Normand Baillargeon, dont je respecte l'habituelle rigueur, sont tombés selon moi dans le panneau de la démagogie.

Le ministre Bolduc affirme que les écoles ont déjà des bibliothèques remplies de livres. Personne ne m'a démontré le contraire. Pour ma part, j'ai commencé à lire avec Jules Verne. Serait-il possible qu'on ne retrouve pas de ses romans dans nos écoles? J'en doute fort, comme je doute qu'il fasse paraître un nouvel ouvrage prochainement... Si je voulais user de démagogie à mon tour, je pourrais dire qu'il faudrait s'assurer que quelqu'un lit les livres actuels avant d'en acheter de nouveaux. Qui pourra nous faire la démonstration que c'est par manque de livres dans les écoles que les Québécois lisent si peu et si mal?

Évidemment, on me dira que sur le simple plan des principes, un ministre de l'Éducation ne devrait pas faire de déclarations qui semblent dévaloriser la lecture. Je veux bien. Mais ceux qui tombent à bras raccourcis sur le Dr Bolduc peuvent-ils me dire quand nous investirons davantage dans une formation des maîtres qui permette d'espérer que seuls les plus talentueux d'entre eux parviendront jusque dans nos salles de classe pour enseigner correctement le français (aux futurs ministres) et surtout, pour donner aux jeunes un goût de la connaissance et insuffler chez eux une curiosité qui les mènera naturellement vers la lecture?

En réalité, la déclaration maladroite d'Yves Bolduc nous donnait l'occasion de débattre des véritables enjeux de l'éducation, mais au lieu de ça, tous sont tombés dans la facilité en dénonçant le manque de livres plutôt que le manque de lecteurs.