Cher Léo,

Nous nous sommes fréquemment colletaillés, notamment lors de la crise étudiante au printemps 2012. Plusieurs d'entre nous n'avaient pas apprécié vos revendications qui nous semblaient irresponsables ou votre alliance avec les centrales syndicales. Plusieurs carrés rouges n'avaient pas particulièrement aimé les critiques parfois acerbes que moi et certains de mes collègues avons formulées.

Ça, c'est le passé.

Je t'écris aujourd'hui pour tourner la page sur cet épisode et t'inviter à faire front commun contre le hold-up que tentent aujourd'hui de perpétrer certains baby-boomers à l'emploi des municipalités québécoises.

On peut évidemment s'entendre, tout d'abord, pour dénoncer l'intimidation et le vandalisme perpétrés ces dernières semaines par des syndicalistes sans scrupules. Je me souviens très bien que tu étais le leader étudiant le plus responsable qui condamnait la désobéissance civile et la violence, même parmi ses troupes. Mais on peut être d'accord sur beaucoup plus que ça.

Tu as déclaré, le 12 mai 2012: «On n'a pas la chance du baby-boom d'être démographiquement ou électoralement payants. Donc, on est une génération qui se sent oppressée au jour le jour. On sait regarder vers l'avenir. On sait que c'est nous qui allons devoir assumer les caisses de retraite.»

Tu concluais: «Et je pense que ce qu'on veut démontrer aujourd'hui et qu'on va continuer de démontrer, c'est qu'on ne peut pas nous faire payer toute la facture des générations précédentes.»

Le débat sur l'actuel projet de loi 3 vise justement à alléger, un tant soit peu, le fardeau que le gouvernement pellette sur le dos de la prochaine génération, en faisant contribuer davantage les employés municipaux à leurs propres régimes de retraite, à hauteur d'au moins 50%.

Les sources du problème d'iniquité intergénérationnelle, on les connaît:

- Les Québécois prennent leur retraite plus tôt qu'ailleurs au Canada, aux États-Unis ou en Europe;

- L'espérance de vie a augmenté de sept ans au cours du dernier demi-siècle;

- On est passé d'un ratio de 7 travailleurs pour un retraité, il y a 25 ans, à un ratio de 3 pour 1 aujourd'hui et, dans 6 ans, il ne restera que 2 travailleurs par retraité;

- Le Québec a le taux de natalité le plus bas en Occident;

- Notre endettement public est le quatrième plus élevé du monde développé.

Résultat: les enfants et petits-enfants des baby-boomers se ramasseront avec une facture de plus de 200 000$ chacun, en moyenne, pour rembourser l'ensemble des dettes publiques laissées par leurs aînés. On parle d'une facture 126 fois plus élevée que la hausse des droits de scolarité proposée à l'époque par Jean Charest.

Il ne s'agit plus d'un simple débat entre la gauche et la droite. C'est véritablement une guerre pour l'équité entre les générations qui ne fait que commencer. Nous sommes condamnés, cette fois-ci, à combattre côte à côte plutôt que face à face.

Tu es, selon moi, le plus intelligent et pragmatique des trois leaders étudiants qui ont occupé l'avant-scène médiatique. Le plus apte à défendre les véritables aspirations d'une nouvelle génération.

Je m'illusionne à croire que tu seras capable de mettre de côté tes intérêts partisans de président des jeunes péquistes pour courageusement appuyer un projet de loi libéral.