Dans leur défense du projet de loi 3, le gouvernement et ses acolytes traitent les syndicats comme de parfaits boucs émissaires. Tantôt on les accuse de vouloir refiler la facture aux contribuables, tantôt on leur reproche une argumentation inadéquate et une incapacité à fournir des solutions raisonnables au règlement du conflit.

Depuis la crise financière, les syndicats ont collaboré étroitement avec les employeurs du secteur privé ainsi qu'avec les municipalités pour trouver des moyens d'alléger leur fardeau financier. Ainsi, la grande majorité des syndicats ont alors négocié localement des mesures qui ont mené à des hausses de leurs cotisations ou à des baisses de bénéfices pour les années à venir. Il est donc faux de prétendre que la libre négociation n'a pas permis de trouver des solutions aux problèmes des déficits passés.

Nous sommes bien conscients que certains régimes de retraite sont toujours dans une situation financière précaire, et c'est pourquoi la CSN s'est dite d'accord pour appliquer des mesures exceptionnelles aux régimes dont la capitalisation est en deçà de 85%.

Nous nous opposons par contre fermement à appliquer ces mesures sur l'ensemble des régimes dont la capitalisation est en deçà de 100%. De tout temps, la capitalisation des régimes a oscillé entre 85% et 115%, et ce, sans que les gouvernements n'aient jamais jugé qu'ils étaient en état de crise. Il n'y a rien aujourd'hui qui justifie que l'on permette de renier les promesses faites aux travailleurs et aux retraités lorsque le régime est financé à plus de 85%.

Jamais dans l'histoire du Québec un gouvernement n'a-t-il légiféré pour enlever aux travailleurs et aux retraités les rentes qu'ils avaient accumulées. Seule la faillite d'une entreprise pouvait réduire les rentes promises. Cette mesure est exceptionnelle et doit être considérée comme telle.

La pérennité: un leurre

C'est sur le prétendu objectif d'assurer la pérennité des régimes que le ministre Moreau tente de vendre les mesures anti-travailleurs contenues dans ce projet de loi. Bien que simple à saisir et très populiste, le partage égal des coûts des régimes ne vient en rien assurer leur pérennité. Le but principal de cette mesure est de s'attaquer à la rémunération et aux conditions de travail des employés du secteur municipal en préparant le terrain pour les négociations dans l'ensemble des secteurs d'activités au Québec.

Comme si cela n'était pas suffisant, le gouvernement veut imposer un plafond sur la valeur du régime de 18% de la masse salariale et limiter ainsi considérablement le pouvoir d'épargner, au moment où partout on s'inquiète de l'endettement des ménages. Pourquoi le gouvernement s'entête-t-il à imposer ce plafond et ne laisse-t-il pas la libre négociation faire son oeuvre, comme c'est le cas actuellement?

Nous accueillons favorablement la proposition de fonds de stabilisation faite dans ce projet de loi, seule mesure visant réellement la pérennité des régimes et qui, d'ailleurs, a été empruntée au milieu syndical. Il faut mieux gérer les risques et la croissance de nos régimes et tenter de se mettre davantage à l'abri des déficits, même lors de crises boursières.

Si le gouvernement va de l'avant avec le projet de loi dans sa version actuelle, il pourra se targuer d'avoir atteint les droits fondamentaux des individus en attaquant le droit de négocier et se vanter d'avoir appauvri toute une classe de travailleurs. Il aura de plus miné la confiance envers tout outil d'épargne collectif et pénalisé ceux qui ont choisi faire des compromis salariaux en retour de meilleurs régimes de retraite.

L'adoption de ce projet de loi ne fera pas en sorte de donner un régime de retraite à ceux qui n'en ont pas. Si le gouvernement soutient vraiment les contribuables comme il le prétend, il doit alors obliger tous les employeurs à cotiser à un tel régime afin que l'ensemble des Québécois puisse avoir accès à une retraite décente.