Une nouvelle voie de transport pour le pétrole des sables bitumineux est récemment venue s'ajouter aux projets actuellement à l'étude ou en attente d'approbation gouvernementale. L'arrivée au Québec de ce pétrole se fait désormais par train jusqu'à Sorel-Tracy, d'où la société Kildair en fera l'exportation par bateau sur la voie maritime du Saint-Laurent.

Plusieurs groupes s'activent pour interpeller les pouvoirs publics face aux risques environnementaux associés à ces projets de transport. Ce n'est pas uniquement la gestion des risques de déversement qui est en cause, ici, mais une réalité beaucoup plus préoccupante : le rythme actuel d'exploitation du pétrole et des autres énergies fossiles menace les conditions d'existence sur Terre.

Agissant conjointement, deux facteurs distincts sont responsables du besoin pressant de nouvelles voies pour le transport du pétrole des sables bitumineux.

Le premier, nous en sommes tous responsables. C'est la nécessité de répondre aux besoins croissants de l'humanité pour la consommation de pétrole. La recherche de la croissance, moteur de notre modèle de développement, est à l'origine du second facteur. En effet, l'industrie pétrolière ne veut pas simplement exploiter le pétrole des sables bitumineux ; elle le fait déjà. Elle veut le faire à plus grande échelle et de plus en plus vite. Et pour ça, il lui faut de nouvelles voies pour atteindre les marchés de consommation.

Les sociétés occidentales, rattrapées de plus en plus par les pays émergents, sont dépendantes du pétrole comme source d'énergie, mais également pour la fabrication d'une multitude de biens de consommation, notamment ceux à base de plastique. Pour cette raison, le pétrole est actuellement l'une des ressources les plus précieuses sur Terre et il est particulièrement difficile d'imaginer pouvoir s'en passer complètement.

Cela ne veut pas dire qu'il ne soit pas possible d'en réduire significativement la consommation. Plusieurs alternatives existent et le Québec est particulièrement bien placé pour les mettre en oeuvre. Entre autres, il peut compter sur des sources d'énergies renouvelables abondantes et diversifiées. Utiliser la biomasse au lieu du mazout pour le chauffage, réduire la taille et la consommation moyenne des voitures, favoriser le covoiturage, l'autopartage et le transport collectif, électrifier les transports, aménager les villes de manière à limiter les besoins de motorisation ; voilà quelques exemples de mesures à envisager.

Si la consommation de pétrole diminue seulement au Québec, l'effet sur l'exploitation des sables bitumineux sera marginal. Au-delà de la question de principe, cela aura toutefois le mérite de procurer des bénéfices économiques, tout en diminuant les impacts environnementaux et sociaux de la consommation de pétrole.

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Le pétrole issu des sables bitumineux se vend actuellement à des prix qui ne sont pas suffisamment corrélés avec sa valeur ni avec les impacts environnementaux liés à son extraction. Si c'était le cas, la faible marge de profit des compagnies pétrolières volerait en éclat, réduisant du coup la pression qui les incite à en produire autant.

Pour une ressource aussi précieuse et non renouvelable, cette pression extractive est contraire à l'éthique. Même la logique économique joue en faveur d'un ralentissement du taux d'extraction, puisque ces ressources collectives prendront inévitablement de la valeur à mesure que les autres gisements planétaires s'épuiseront.

Il est tout aussi inadmissible de tolérer que l'exploitation de ce pétrole se fasse sans que des efforts significatifs soient déployés pour réduire les impacts de cette activité sur l'épuisement des ressources, sur la pollution et sur les changements climatiques.

Conséquemment, il y a deux importants chantiers à mettre en place pour stopper la pression en faveur du transport de pétrole des sables bitumineux. Le premier est de réduire notre propre consommation de pétrole. Le second est de forcer les pouvoirs publics à encadrer sévèrement les compagnies pétrolières de manière à ce qu'elles corrigent ou compensent adéquatement les impacts négatifs associés à l'exploitation de cette ressource précieuse.