La congrégation des pères Rédemptoristes vient d'être condamnée à payer de sérieux dommages à d'anciens élèves qui ont fréquenté l'un de ses collèges dans les années 60 et 70.

Ce jugement, qui apporte une réparation en argent à des élèves qui ont été victimes d'agression graves commises par certains membres de cette congrégation, indique aussi clairement que notre société réprime au plus haut point ces comportements honteux. Il en a, d'ailleurs, toujours été ainsi.

Les victimes ont toute notre sympathie et l'on doit souhaiter qu'elles soient indemnisées généreusement. Mais même lorsqu'il s'agit de réparation à la suite de crimes graves, il y a des limites à ne pas franchir. Que les victimes, comme cela vient de se faire, appellent au boycottage général contre les Rédemptoristes, et qu'elles exigent en plus l'annulation d'un concert de chants qui sera donné prochainement à leur basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré, c'est aller trop loin, et contreproductif dans tous les sens.

Avec de tels agissements, il est à craindre que cette vague de sympathie envers les victimes se transforme en une condamnation générale à l'endroit des communautés religieuses, lesquelles existent au Québec depuis quelques centaines d'années. La très grande majorité d'entre elles ne mériteraient pas un tel sort. Car ces communautés religieuses ont, par le passé, aidé les Canadiens français de multiples façons.

En regardant ma propre expérience, je constate qu'une bonne partie des gens de ma génération sont un pur produit des communautés religieuses, et que celles-ci leur ont apporté beaucoup de bien. J'ai fait toutes mes études, primaires et collégiales, chez des communautés religieuses. Jamais au cours de ces années-là je n'ai eu vent ou été témoin de tels comportements. J'ajouterai que pendant les 35 années au cours desquelles j'ai pratiqué le droit, il ne m'est pas arrivé une seule fois d'avoir eu ou d'avoir assisté à des causes portant sur de tels gestes. Je ne dis pas que de telles agressions sexuelles sur des enfants n'ont pas eu lieu, mais je dis que c'était là des cas exceptionnels, et qu'il serait dangereux et injuste de généraliser.

Un apport bénéfique

Les communautés religieuses ont aidé notre peuple de différentes manières et à différentes étapes de son histoire. Sans l'aide de celles-ci pendant au-delà de 200 ans, nous ne serions peut-être pas la société instruite et ouverte que nous sommes aujourd'hui. Faisons un peu d'histoire. Après la Conquête, survenue en 1760, tous les dirigeants politiques ou militaires, tout ce qui comptait le moindrement dans la colonie, ont quitté le Canada pour retourner en France. La petite colonie, à ce moment-là peuplée d'environ 100 000 âmes, ne disposait d'aucune infrastructure civile. Toutes ses élites ayant quitté les lieux, elle était laissée à elle-même et se retrouvait ainsi en grand danger d'assimilation dans cette mer anglo-saxonne que constituait alors l'Amérique du Nord.

Seuls le clergé séculier et les communautés religieuses sont restés et ont aidé ce petit peuple à survivre. Les infrastructures religieuses qui existaient déjà ont contribué à apporter un peu de cohérence dans la vie civile. Ces communautés religieuses ont fondé des collèges et elles ont instruit les Canadiens français; elles ont pris en charge le système de santé de l'époque; elles ont fondé des hôpitaux, des orphelinats et autres mesures sociales non dispensées par l'État. Ces prises en charge par le clergé ont duré 200 ans, soit jusqu'à la Révolution tranquille survenue en 1960.

Je ne veux pas me faire le défenseur des communautés religieuses, mais je n'hésite pas à dire que malgré certaines fautes très graves commises par quelques-uns de leurs membres, la société québécoise, qui depuis un certain temps leur a un peu tourné le dos, doit reconnaître qu'elle leur doit beaucoup.