Selon le célèbre magazine Restaurant, le Noma, situé à Copenhague, est considéré meilleur restaurant au monde pour une quatrième fois (même si, en 2013, une cinquantaine de clients ont été victimes d'une gastro-entérite aiguë à la suite de leur repas au Noma, l'incident ne semble pas avoir découragé les juges.)

Étonnamment, aucun établissement canadien n'apparaît au top 100 du fameux palmarès annuel. Il faut remonter à 2003 pour retrouver un restaurant canadien parmi la liste des 50 meilleurs du réputé magazine. Évidemment, pour le monde de la restauration canadienne, ces résultats déçoivent. Pour le Québec, Mecque de la gastronomie canadienne, ce manque de reconnaissance sur la scène internationale devrait en préoccuper plus d'un.

La dernière fois qu'un restaurant canadien apparaissait au top 100 était en 2010, et ce n'était même pas un restaurant québécois. Langdon Hall, tout près de Guelph, en Ontario, et le Rouge, à Calgary, avaient retenu l'attention des juges à l'époque. Plus encore, la restauration canadienne n'a atteint le cap des 10 meilleurs restaurants qu'une seule fois, et ce n'était toujours pas un établissement québécois. Eiginsinn Farm, propriété d'un locavore ontarien, privilégiant les produits locaux et l'expérience agricole, s'était classé au 9e rang en 2002. Cette disette québécoise s'explique par quelques facteurs importants.

Le Canada, défavorisé?

D'abord, certains prétendent que la méthodologie sous-jacente aux résultats ne favorise pas le Canada et le Québec. Sur plus de 900 juges, plus du tiers proviennent de l'Europe et seulement une trentaine sont Canadiens. Le jury est composé de critiques, journalistes, chefs et restaurateurs, gastronomes globe-trotters, répartis dans 26 régions du monde, dont le Canada. Une poignée de juges viennent du Québec.

Non seulement l'échantillonnage des juges n'aide pas la cause du Québec, mais le Canada, comparativement à l'Europe, est perçu comme un marché isolé du monde. L'Australie vit le même problème. Un nombre limité de juges ont déjà visité le Canada et le Québec afin d'apprécier les connaissances culinaires du «Nouveau Monde».

Le palmarès parrainé par le magazine semble aussi favoriser la cuisine artisanale et sauvage. En analysant les résultats de plus près, la découverte culinaire est à l'honneur, plutôt que la cuisine traditionnelle. La plupart des restaurants bien classés s'intéressent particulièrement à l'expérimentation et la nouveauté. Par exemple, quelques restaurants qui s'intéressent à la cuisine moléculaire ont déjà fait le top 10 par le passé. Ces points de mesure sont évidemment à contrepoint des cuisines traditionalistes comme celle que l'on retrouve en France et même au Québec. D'ailleurs, la France n'a aucun restaurant dans le top 10 cette année, du jamais vu.

L'ère du «foodie» semble profiter à ceux qui préfèrent établir un nouvel ordre de la gastronomie mondiale au détriment des cuisines qui se basent sur des traditions culinaires solides. Les us et coutumes en cuisine méritent tout autant notre attention que les nouvelles tendances. Les goûts ne se discutent pas, mais un tel classement doit refléter la nature hétérogène des marchés convoités par les restaurants du monde, point à la ligne.

Somme toute, ces classements peuvent être décriés par plusieurs, mais c'est d'abord une affaire de «grosses piastres». Pour ceux qui pensent déguster un succulent repas chez Noma dans les prochains mois, détrompez-vous. La liste des réservations s'allonge depuis l'annonce des dernières semaines.

En changeant un peu son approche, le magazine pourrait offrir de meilleures chances à nos chefs restaurateurs canadiens et québécois qui utilisent pourtant avec grand art les produits locaux pour mettre en valeur la culture artisanale typique à leur région respective. Tout comme bien d'autres restaurants reconnus par le magazine, plusieurs de nos excellents établissements, dont la notoriété n'est plus à faire ici, mériteraient une telle tribune.