L'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal vient d'annoncer la reprise d'une garde alternée en itinérance pour la santé mentale, mais avec seulement quatre établissements impliqués: le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), le Centre universitaire de santé McGill (CUSM), l'Hôpital général juif et l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont).

Rappelons que depuis la fin de la garde alternée, début janvier dernier, le CHUM a reçu à lui seul deux tiers de la clientèle itinérante en besoin de soins, entraînant une augmentation de 25% du volume d'activité à l'urgence psychiatrique du CHUM, déjà surchargée, et l'occupation de 40% des lits d'hospitalisation en psychiatrie, ressources qui ne sont plus disponibles pour la clientèle non itinérante de l'établissement. Cette situation, loin d'être une surprise, avait été clairement prédite par les cliniciens du CHUM.

Avec ce nouveau fonctionnement, l'agence se dit confiante «que cette nouvelle pratique bénéficiera aux personnes itinérantes qui sont parmi les plus vulnérables lorsqu'elles sont aux prises avec un problème de santé mentale».

Un instant.

On désigne quatre établissements plutôt que les huit auparavant responsables collectivement pour cette population, pour répondre aux besoins de santé de toute la clientèle itinérante à Montréal, sans effectuer la moindre redistribution de ressources, ni investir des sommes pour développer des services pour cette clientèle?

Comme la charge était également répartie entre les huit établissements dans le fonctionnement jusqu'au début janvier 2014 par le système de garde à la semaine, cela correspond ni plus ni moins à une coupe de 50% dans les ressources hospitalières dédiées à la clientèle itinérante. Les ressources autrefois allouées aux soins de personnes itinérantes dans les quatre établissements maintenant exclus de la garde seront attribuées à d'autres fonctions, et les quatre établissements désignés devront composer avec l'augmentation de la charge en prenant les moyens du bord.

Une décision hâtive?

Une telle coupe de ressources pour cette clientèle, si elle est voulue, est un acte d'une indifférence inouïe envers les personnes les plus démunies, malades et marginalisées de la société. S'il s'agit d'un effet imprévu d'une décision hâtive et unilatérale, cela soulève de sérieuses questions sur le jugement des personnes responsables du dossier de l'itinérance à l'Agence.

Dans un article récent du Devoir («L'Agence de la santé de Montréal fait fausse route», 15 avril), les psychiatres de plusieurs des établissements touchés par la garde ont exprimé leurs préoccupations et inquiétudes devant ce nouveau fonctionnement, qui ne leur donne aucun moyen additionnel pour remplir cette tâche ajoutée, et met en péril leur capacité de répondre aux besoins de leur clientèle non itinérante.

L'Agence ne peut plaider l'ignorance ou le manque de données; les statistiques sont maintenant compilées chaque semaine, et l'auteur de ces lignes a personnellement prévenu les responsables de l'Agence des conséquences d'une telle orientation.

Malgré cela, elle vient de décider de décimer les services aux personnes itinérantes tout en fragilisant le réseau et hypothéquant l'accès aux soins psychiatriques pour toute la population desservie par les quatre hôpitaux désignés.

Les yeux grands fermés.