Les Québécois ont vu clair dans le jeu des stratèges du Parti québécois. Ils ont massivement rejeté la politique de la division et ont sévèrement puni le PQ.

Les ténors péquistes ont fait le calcul qu'une majorité était possible en faisant une élection sur rien, pensant ainsi instrumentaliser un appui hypothétique à une charte des valeurs, qui avait pourtant polarisé la société québécoise depuis un an.

Le stratagème, faire une élection sur le dos des minorités, sans vraiment le dire, fut aussi grotesque que cynique.

Même sur l'article 1 de leur programme politique, la souveraineté du Québec, le PQ a fait preuve d'une malhonnêteté intellectuelle désarmante. Tout le monde sait que pour toute une génération d'indépendantistes qui militent depuis les années soixante, il s'agissait d'une occasion rêvée d'obtenir une majorité conduisant à un autre processus référendaire.

Sur cet enjeu, comme sur la stratégie, les Québécois ne leur ont pas donné le bénéfice du doute.

Il y avait quelque chose d'invraisemblable à voir Bernard Drainville sur scène lundi soir scander fièrement «On veut un pays, on veut un pays!». Les électeurs ne venaient-ils pas de parler haut et fort? Les ténors péquistes avaient pourtant fait des pieds et des mains au cours de la campagne pour remettre le couvercle sur la marmite suite à l'appel au pays et au poing levé de PKP.

Aussi significative soit-elle, la cuisante défaite que vient de subir le PQ n'est pas le plus grand mal qu'il s'est lui-même affligé. Le dommage fait à l'option indépendantiste sera bien plus grand et important à long terme.

Le nationalisme étroit, réducteur et revanchard qui a émané de ce projet de charte des valeurs aura fait basculer le mouvement souverainiste dans un cul-de-sac identitaire dans lequel une forte majorité de Québécois ne se reconnaissent pas. Tant que le nationalisme prôné par le PQ sera fondé sur le rejet et la peur de l'autre, un réflexe identitaire essentiellement défensif plutôt qu'un projet positif, le parti restera prisonnier de sa base. L'exode tranquille de bon nombre de souverainistes - y compris les jeunes - vers Québec solidaire devrait d'ailleurs constituer une lumière rouge sur le tableau de bord péquiste.

On aurait tort de croire que le coup affligé au mouvement souverainiste sera fatal. L'histoire récente du Québec ne suggère pas un tel scénario. Un triomphalisme excessif du camp fédéraliste n'est certes pas de mise et serait une erreur de taille. Mais n'ayant remporté qu'une seule victoire électorale depuis 2003 (qui fut courte dans le temps et en sièges), le PQ d'aujourd'hui n'est plus l'ombre de ce qu'il a été sous René Lévesque ou Lucien Bouchard.

Le paradoxe est qu'il ne peut blâmer nul autre que lui-même pour les maux dont il est dorénavant tributaire.