Au cours des dernières semaines, beaucoup de choses ont été dites quant à l'efficacité de notre système de santé, et sans doute beaucoup d'autres s'ajouteront dans la foulée de la campagne électorale en cours.

Les carences de notre système de santé, particulièrement en ce qui a trait à son accessibilité en première ligne, sont bien documentées. Nul besoin d'y revenir ici, si ce n'est pour rappeler que les Québécois dépensent plus, par habitant, pour leur système de santé que la moyenne des Canadiens, alors que l'accessibilité aux soins de première ligne demeure l'une des pires au Canada1.

Si, tel que le rapportait un récent sondage CROP-Radio-Canada, ce problème génère la grogne chez plus de 62% des Québécois, une analyse attentive de leurs comportements indique que ceux-ci ont désormais dépassé la simple manifestation verbale de leur insatisfaction. Plus que les citoyens du ROC, les Québécois passent désormais aux actes.

Selon la plus récente enquête de Statistique Canada menée en 2012 et portant sur les dépenses des Canadiens2, les ménages Québécois ont dépensé 2520$ en soins et services de santé privés, une augmentation de 157% en dollars constants par rapport à 1997. Au cours de la même période, le total de leurs dépenses, toujours en dollars constants, n'avait augmenté que de 50%.

Cette progression des dépenses dévolues aux soins de santé privés illustre bien à quel point les Québécois sont fatigués d'attendre que «quelqu'un quelque part» trouve enfin la façon de corriger leur système de santé. Sceptiques, voire même cyniques, ils prennent de plus en plus la gestion de leur santé en main.

Bien qu'on ne puisse les blâmer de passer ainsi à l'acte, il est intéressant de constater que leurs dépenses en matière de soins de santé sont de 33% supérieures à celles des ménages ontariens qui, en 2012, totalisaient 1900$. Uniquement au chapitre des dépenses privées, payées afin d'obtenir les services d'un médecin, le ménage québécois moyen aura dépensé 22% de plus que s'il avait habité en Ontario, et 44% de plus pour ses médicaments et produits pharmaceutiques avec ordonnance.

Bref, non seulement les Québécois sont-ils condamnés à payer plus cher pour un système de santé moins efficace, les voici maintenant à payer plus cher que la moyenne des Canadiens afin d'obtenir les services dont ils ont besoin.

Deux constatations

Cette situation démontre deux choses, la première étant connue depuis longtemps. Notre système de santé, malgré toutes les promesses et tous les rapports, et le fait qu'il accapare aussi près de la moitié du budget provincial, ne réussit toujours pas à répondre aux besoins des citoyens en matière de services de première ligne.

La seconde est moins connue, mais tout aussi consternante. Les Québécois prennent de plus en plus ce problème en main. N'espérant plus grand-chose du système lui-même, ils se tournent désormais, et en plus grand nombre, vers des alternatives visiblement plus efficaces.

Reprenant les termes du célèbre économiste américain A. O. Hirschman, ils votent désormais avec leurs pieds, manifestant ainsi une plus grande confiance envers une offre privée complémentaire qu'envers toute hausse de leurs impôts devant corriger un système de santé invariablement inefficace en matière de soins de première ligne.

1 Commissaire à la santé et au bien-être, Perceptions et expériences de soins de la population: le Québec comparé. Résultats de l'enquête internationale du Commonwealth Fund, 2013.

2 Statistique Canada, Enquête sur les dépenses des ménages (EDM). Canada, régions et provinces, annuelle (2012).

Tableau 2 030 021.