Le ministère de la Santé a décidé récemment de couper de 20 à 30% le budget des centres de radiothérapie de l'île de Montréal. Le gouvernement veut ainsi encourager les patients à être traités dans leur région d'origine.

Cette mesure affectera significativement les patients atteints d'un cancer ORL rare ou avancé (bouche, gorge, cordes vocales). Actuellement, malgré les inconvénients du déplacement et de la distance, ils sont envoyés de partout au Québec, par leur médecin ou même par d'autres centres de radiothérapie, pour se faire traiter au CHUM afin de profiter de l'excellence des soins prodigués par notre équipe multidisciplinaire.

Les cancers de la sphère ORL ne sont pas fréquents. Pour les cancers ORL rares ou de stades avancés, il a été clairement documenté qu'une expertise particulière est nécessaire. La littérature scientifique prouve de façon non équivoque que de tels patients traités dans des centres d'expertise et de haut volume d'activité souffrent moins d'effets secondaires (allant jusqu'au décès) et ont une meilleure survie. Afin de développer et maintenir cette expertise, il est nécessaire de concentrer dans un même établissement les patients souffrant de ces cancers.

L'équipe d'oncologie ORL du CHUM a une expertise de plus de 40 ans. Elle a dépensé énergie et efforts pour offrir des soins aussi performants. Nous avons d'ailleurs reçu, il y a 10 ans, le prix d'excellence du ministère de la Santé pour souligner l'amélioration, l'excellence et le caractère unique des soins apportés aux Québécois.

La nouvelle politique de financement du gouvernement vient compromettre la bonne entente et le bon fonctionnement qui prévalaient dans la grande région de Montréal. Pourquoi revoir ce qui, pour une fois, fonctionne bien au Québec dans le domaine de la santé? Cette décision doit être remise en question et révisée sur la base de l'efficience scientifique et financière afin de maintenir les meilleurs traitements possible pour nos patients.

La médecine moderne a évolué depuis l'ère du Dr Welby, ce super médecin capable de guérir seul tous les maux, et il est reconnu que la meilleure façon de traiter le cancer est par la constitution d'équipes interdisciplinaires. Notre équipe est composée de médecins de diverses spécialités (ORL, radio-oncologues, hémato-oncologues, radiologistes, chirurgiens plasticiens, pathologistes, dentistes, gériatre-oncologue, etc.) ayant tous une surspécialisation d'une ou deux années dans les plus grands centres du monde ainsi que d'autres professionnels de la santé (psychologues, nutritionnistes, orthophonistes, travailleuses sociales, infirmières, techniciennes de radiothérapie, physiciens, etc.) qui se sont bâti ensemble une expertise inestimable et irremplaçable dont peuvent bénéficier actuellement tous les patients du Québec.

Il faut aussi savoir que des équipes avec une expérience similaire et l'expertise qui en découle n'existent pas actuellement dans les centres de radiothérapie de la couronne de Montréal. La formation de telles équipes dans plusieurs centres hospitaliers entraînerait des coûts supplémentaires importants sans pouvoir obtenir la même efficacité et le même taux de guérison. En effet, les cancers ORL avancés et rares seraient trop dispersés dans différents hôpitaux, qu'aucune équipe, y compris la nôtre, ne pourrait maintenir son expertise.

En fin de compte, la décision politique et administrative du ministère de la Santé de diminuer le budget des centres de radio-oncologie de l'île de Montréal se traduira par une détresse et une souffrance augmentées pour les patients atteints de cancers ORL rares et de stades avancés qui verront leurs chances de guérison diminuées. Quelle est la logique de construire un CHUM de deux milliards à la fine pointe de la technologie et en même temps d'empêcher les patients d'en profiter?

- Cette lettre est cosignée par des médecins de l'équipe d'oncologie ORL à l'Hôpital Notre-Dame : Francine Aubin (hémato-oncologue) Tareck Ayad (chirurgien oncologue ORL), Eric Bissada (chirurgien oncologue ORL), Joseph Bou-Merhi (chirurgien plasticien), Danielle Charpentier (hémato-oncologue), Apostolos Christopoulos (chirurgien oncologue ORL), Alain Danino (chirurgien plasticien), Edith Fillion (radio-oncologue), Dr Olga Gologan (pathologiste), Dr Louis Guertin (chirurgien oncologue ORL et chef du service d'ORL du CHUM), Dr Rahima Jamal (hémato-oncologue), Louise Lambert (radio-oncologue), Laurent Létourneau-Guillon (radiologue), Félix Nguyen (radio-oncologue), Denis Soulières (hémato-oncologue et coordonnateur médical du site tumoral ORL).

Elle est aussi appuyée par Dr Jean Cérat chef du service d'ORL du CH Pierre-Le Gardeur (Terrebonne), Dr Paule Dupuis chef du service d'ORL du CH Pierre Boucher (Longueuil), Dr Gilles Bilodeau chef du service d'ORL du CH régional de Lanaudière (Joliette), Dr Yannick Larrivée chef du service d'ORL du CH de Granby, Dr Radwan Abourjaili chef du service d'ORL du CH Brome-Missisquoi-Perkins (Cowansville), Dr Isabelle-Lyne Cataphard chef du service d'ORL du CH du Haut-Richelieu (Saint-Jean), Dr Michel Dorion chef du service d'ORL du CH régional Saint-Jérôme, Dr Alain Moukheiber chef du service d'ORL du CSSS Rouyn-Noranda (Abitibi), Dr Anouk Lemire chef du service d'ORL du CSSS du Lac-Des-Deux-Montagnes (Saint-Eustache).