J'aimerais répondre à M. Dupont concernant la lettre récemment publiée sur la dollarisation du Québec («La "dollarisation" du Québec», 15 mars).

La mission de la Banque du Canada est centrée sur le maintien de l'inflation à l'intérieur d'une fourchette étroite afin de maintenir la valeur interne du dollar canadien. Pour y parvenir, la banque fixe le taux directeur. Cela agit également sur le taux de change, mais il s'agit d'un effet de bord. Il n'est pas dans l'intention de la Banque du Canada d'effectuer un contrôle du taux de change, car cela risquerait d'entrer en conflit avec la politique de lutte à l'inflation. Je vous invite à consulter le document Le taux de change que la Banque publie sur son site internet pour en apprendre davantage.

J'aimerais ajouter que les interventions de la Banque du Canada sur le marché des changes se sont limitées à ralentir autant que possible les fluctuations trop rapides du dollar canadien afin de permettre aux entreprises canadiennes de s'adapter à ces changements. Comme la plupart des économies libres et modernes, le Canada a choisi de laisser flotter sa monnaie selon l'offre et la demande.

La banque jouit en pratique d'une grande indépendance dans l'exercice de son mandat. Bien que la loi de la Banque du Canada prévoit que le ministre des Finances puisse imposer son point de vue, ceux qui ont occupé ce poste, de même que les premiers ministres du Canada, ont eu jusqu'à présent la sagesse de se garder d'intervenir dans l'exécution des politiques de la banque.

Pour les raisons mentionnées plus haut, il est complètement faux d'affirmer qu'advenant la séparation, le Québec serait dépendant d'un taux de change fixé par le Canada, car ce dernier ne fixe rien. C'est le marché qui le fait. Le marché réagira bien si le Canada choisit la voix de la raison. Dans le cas contraire, c'est l'Ontario qui en souffrira le plus: celle-ci exporte davantage vers le Québec que ce dernier exporte vers notre voisine.

Quant à la possibilité d'avoir un siège à la Banque du Canada, alors tant mieux, sinon, ce sera le statu quo, car la banque centrale n'a jamais adopté de politiques accommodantes pour le Québec. Dans les années 90, elle n'a pas hésité à hausser les taux d'intérêt pour combattre la surchauffe économique en Ontario, alors que le chômage sévissait au Québec. En 2003, le dollar canadien a touché un creux d'environ 63¢. Le dollar canadien était alors surnommé le peso du Nord. Certains experts, dont certains de la Banque de Montréal, recommandaient alors d'abandonner le dollar canadien en faveur du dollar américain.

C'est dire tout le contrôle que la Banque du Canada exerce sur le taux de change et la maîtrise qu'elle a sur sa monnaie. Le dollar a par la suite remonté pour dépasser le dollar US en moins d'une décennie, détruisant au passage une partie de la production manufacturière du Canada central. Comment peut-on affirmer sérieusement qu'au sein du Canada, le Québec a pu avoir une influence quelconque sur la banque centrale et que celle-ci en a une sur le taux de change?

La comparaison avec l'Amérique latine ne tient pas la route. Dans l'éventualité où le Québec déciderait d'adopter le dollar canadien, ce serait pour des raisons tout autres: faciliter les échanges commerciaux et assurer une transition en douceur.

Enfin, l'hypothétique politique inflationniste va à l'encontre de tout ce qui s'est fait dans ce pays depuis deux décennies.