Dans son éditorial du 26 février, «Pour attirer les avions», André Pratte (en réaction à la motion déposée par deux conseillers municipaux réclamant que le maire de Montréal et le gouvernement fédéral s'affairent à accroître le nombre de vols internationaux directs à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau) conclut que «leur intention est bonne, mais le raisonnement fautif». Il ajoute: «Ce n'est pas parce qu'il y a moins de vols directs à Trudeau que l'économie de Montréal se porte moins bien; c'est parce que l'économie de Montréal a pris du retard».

André Pratte a raison, mais à moitié. Les deux conseillers ont également raison. Le lien entre la force d'un aéroport et l'économie de la ville va dans les deux sens. Je prends deux exemples pour l'illustrer. Le plus important aéroport de l'Amérique du Nord ne se trouve ni à New York ni à Los Angeles, mas bien à Atlanta, la neuvième région urbaine (en population) des États-Unis. C'est que Delta a choisi cette ville comme son «hub» (aéroport pivot). Il en est de même pour Francfort, en Allemagne, avec Luftansa.

La demande en matière d'aviation provient de deux sources: la demande propre à la ville (donc tributaire de sa taille et de son dynamisme); et le nombre de passagers qui choisissent d'en faire l'aéroport de correspondance pour aller vers d'autres villes. La force des aéroports d'Atlanta et de Francfort réside d'abord dans cette dernière caractéristique.

Le transport, nerf de la guerre

L'enjeu est majeur, car les aéroports deviennent de plus en plus des moteurs de développement économique urbain. Le nerf de la guerre à l'heure de l'économie du savoir est le transport des personnes: la facilité de se rencontrer et d'échanger des idées. La relation entre économie urbaine et aviation est en bonne partie circulaire. Il faut intervenir aux deux niveaux. Le défi pour Montréal est de taille. Le fiasco de Mirabel a cassé du jour au lendemain le rôle de Montréal comme aéroport pivot. Nous en payons encore le prix: l'aéroport Trudeau est en train de remonter la pente, mais tranquillement.

Toronto est désormais l'aéroport central d'Air Canada et cela ne changera pas. On ne peut pas refaire le passé. La géographie du Canada et la frontière américaine n'aident pas, non plus, au développement d'un aéroport pivot. La géographie linéaire du pays, peu peuplé, sans centre clair de marché - sinon Winnipeg serait le pivot - rend difficile la gestion d'un réseau dense en fil d'agrainée. Les formalités douanières réduisent d'autant le potentiel des villes canadiennes comme «hubs» à l'échelle du continent. Pourquoi passer par le Canada pour aller vers une ville américaine? Même Toronto n'est pas un très grand aéroport à l'échelle internationale.

Est-ce que cela veut dire que la bataille est perdue d'avance? Pas du tout. Un aéroport pivot, ça se construit. Les éléments au dossier se trouvent à de multiples niveaux: la tarification des aéroports, les formalités douanières, les choix corporatifs d'Air Canada et d'autres transporteurs, la gestion et l'aménagement de l'aéroport, etc. C'est précisément le genre de dossier dans lequel le rôle de leadership revient au maire de Montréal (et président de la Communauté métropolitaine). Le défi: réunir, convaincre, et faire travailler ensemble des acteurs de milieux différents.