À l'aube d'une campagne électorale et à la suite du dépôt du budget provincial, le contrôle des dépenses en santé est revenu à l'ordre du jour. Le salaire des médecins occupe depuis quelques jours une part significative de l'espace médiatique et plusieurs ont fait un rapport de cause à effet entre cette rémunération et les problèmes d'accessibilité.

L'équation semble simple: si le salaire des médecins a augmenté, sans une meilleure accessibilité, c'est que leur productivité a diminué. La société n'en aurait plus pour son argent.

Il faut savoir que les augmentations du salaire des médecins du Québec visaient à réduire l'écart entre ceux-ci et la rémunération des médecins du reste du pays, écart qui n'est toujours pas comblé à ce jour. Un débat sur le salaire des médecins canadiens pourrait très bien être lancé d'un océan à l'autre, mais ce genre de discussion pourrait se faire pour beaucoup d'autres questions. Le monde professionnel, incluant le monde médical, a changé, ces dernières années. De plus en plus de femmes en font partie et on y valorise davantage la famille, les loisirs et le temps de repos. Ainsi, le nombre d'heures travaillées par semaine par médecin a diminué.

Grâce à une augmentation du nombre de médecins par habitant, la quantité de soins donnés, elle, n'a pas diminué. D'ailleurs, plus de Québécois ont un médecin de famille aujourd'hui qu'il y a cinq ans. Si l'accès aux plateaux techniques n'était pas aussi restreint, la quantité de certains soins aurait probablement augmenté. C'est un changement de paradigme au sein de ce corps professionnel qui est survenu plutôt qu'une baisse de la productivité.

Manque d'efficience

et de productivité


La solution au problème d'accessibilité et au contrôle des dépenses ne réside pas dans une diminution du salaire des médecins. Nos milieux hospitaliers sont probablement les milieux professionnels les moins efficients qui existent. Régulièrement, des patients demeurent à l'hôpital quelques jours de trop parce qu'on manque de travailleurs sociaux pour leur retour à domicile. Des demi-journées de salle d'opération sont inutilisées parce qu'une chirurgie est annulée et n'est pas remplacée faute d'un système capable de réagir rapidement.

Contrairement à ce qu'on voit dans d'autres milieux, les notions d'efficience et de productivité sont complètement écartées des processus de soins. La budgétisation des établissements en fonction de leur activité est une solution possible; le budget d'un établissement devrait dépendre de la quantité des soins qui y sont donnés et non seulement de la population théorique desservie. Une bonification en fonction d'indice de productivité peut même y être ajoutée.

Les hôpitaux ne constituent qu'une partie de notre système de santé et la première ligne vit aussi des difficultés. Le modèle des groupes de médecine familiale (GMF) offre du soutien aux omnipraticiens, ce qui leur permet d'être réellement utilisés pour leurs compétences. L'offre de soins est accrue grâce à l'apport d'autres professionnels. Ce modèle devrait être davantage valorisé. Par contre, l'absence de corridor de services entre les cliniques de médecine familiale et la médecine spécialisée nuit à l'économie de ressources et à l'accessibilité; ce vide oblige les patients à se magasiner des rendez-vous ou à consulter un autre médecin pour accéder à une ressource spécifique, comme de l'imagerie.

Le gouvernement souhaite étaler les augmentations de salaire des médecins. Un tel étalement serait non seulement acceptable, mais souhaitable si la marge de manoeuvre ainsi dégagée permet la mise en place d'un meilleur soutien aux équipes de première ligne, une amélioration de la fluidité du réseau et une plus grande efficience des établissements. Toutefois, tous les corps professionnels de la santé et leurs syndicats devront faire preuve d'ouverture.