Depuis le début des Jeux olympiques, on souligne à grands traits le courage, la force de caractère, la ténacité et la détermination des athlètes qui participent à cette compétition réunissant l'élite sportive internationale.

Lorsque, par bonheur, ils décrochent une médaille, on les porte aux nues, on les élève au rang de «héros», qualifiant parfois leur performance d'exploit «surhumain», et on interviewe leurs parents qui viennent raconter, larme à l'oeil, les sacrifices auxquels leur prodigieuse progéniture a dû consentir: les matins à se réveiller aux aurores, l'abnégation, les blessures et autres obstacles surmontés. S'ils perdent, on vantera leur résilience, leur dignité dans la défaite, leur capacité à affronter les médias en dépit de leur débâcle.

Eh bien, au risque de casser le party, j'aimerais ici parler plutôt du manque de courage. Lorsque, à l'approche des Jeux, des voix se sont élevées pour appeler au boycott en guise de riposte aux atteintes aux droits de l'homme perpétrées par le régime de Poutine et à l'adoption de cette loi réprimant l'homosexualité, on a rétorqué qu'il ne fallait pas pénaliser les athlètes et qu'il s'agissait, au contraire, d'une occasion de braquer les projecteurs sur ces violations.

Or, à quelques jours de la cérémonie de clôture, je n'ai entendu aucun athlète profiter de sa tribune pour dénoncer les injustices et les politiques rétrogrades du gouvernement russe. Pas de coup d'éclat, pas le moindre drapeau arc-en-ciel brandi sur un podium, ni d'allusion en entrevue.

L'accolade de Marcel Aubut et Vladimir Poutine, et ses propos chaleureux à son égard ont - fort heureusement - suscité des vagues, mais il fallait voir les athlètes présents à la maison du Canada applaudir vigoureusement et multiplier les selfies avec le président russe. Personne pour conspuer. D'ailleurs, aucune huée n'a été entendue dans la foulée du discours de Poutine à l'ouverture des Jeux.

Franchement, quand j'entends les mots «courage», «force», «opiniâtreté» ou encore «adversité», je pense plutôt aux membres des Pussy Riot, encore arrêtées puis violemment prises à partie cette semaine, et aux militants pour les droits de l'homme qui se font emprisonner ou risquent leur liberté pour lutter contre le pouvoir. Ça, c'est ce qu'on appelle de la bravoure. Surtout que les enjeux et objectifs qui sous-tendent ces actions sont autrement plus fondamentaux.

Selon Marcel Aubut, on ne critique pas le chef d'État du pays hôte. Peu importe son comportement, il faut fermer les yeux (et sa gueule), dire «merci», docilement. «Nous autres, on n'est pas dans les débats publics; nous, on fait du sport.» Depuis quand? Depuis quand, et pourquoi, les athlètes devraient-ils demeurer silencieux sur les débats et enjeux de société? Pourquoi ne pourraient-ils pas avoir d'opinion et l'exprimer, eux qui, à l'instar des artistes, bénéficient d'une tribune que leur procure leur notoriété?

Certes, il faut du courage pour défier un président omnipotent et exprimer son opinion. Si tant est que les athlètes en ont une. Parce que dans l'univers clos dans lequel ils évoluent, où tout gravite autour d'eux et de leurs performances, c'est à se demander s'ils ont le temps de s'informer et de développer une conscience sociale.

Pendant qu'eux font des courbettes devant le président russe, je préfère admirer ceux et celles qui osent s'opposer à ses politiques, au péril de leur liberté et de leur intégrité physique. Même si les médias ne feront jamais d'eux des «demi-dieux», c'est ça, le véritable courage.