Bureaucratie, autoritarisme et électoralisme: voilà le mélange toxique qui imprègne la récente directive du ministère de la Santé. Une directive qui a jeté l'effroi parmi les personnes atteintes du cancer.

Résumons: à partir du 1er avril, les patients de la Rive-Sud et de Laval, et éventuellement ceux qui habitent les pointes est et ouest de l'île de Montréal, devront recevoir leurs traitements de radio-oncologie dans leur région.

On enlèvera d'autorité 6 millions aux hôpitaux universitaires montréalais pour les transférer aux établissements de la banlieue, avant même de savoir dans quelle mesure leurs équipements seront utilisés.

Le CHUM verra son budget pour la radiothérapie réduit de 30%, et le CUSM, de 23%. L'Hôpital général juif sera particulièrement affecté, car sa réputation attire beaucoup de patients de l'extérieur (quelque 500 patients sur les 1600 en radiothérapie sont domiciliés dans le 450).

Les départements de radiologie des hôpitaux de la Rive-Sud et de Laval, dans lesquels le gouvernement a beaucoup (trop?) investi, seraient, dit-on, sous-utilisés.

Contrairement à ce que prévoit la loi, qui stipule que l'argent doit suivre le patient, le patient suivra l'argent...

Dans son blogue, la journaliste Josée Legault - qui a l'expérience personnelle du cancer - y est allée d'une éloquente protestation. Quand on est atteint du cancer, rappelle-t-elle, la proximité géographique est la moindre des considérations. Ce qu'on veut, c'est le meilleur traitement possible.

Il est essentiel, dit-elle, que «le continuum de soins se fasse dans le même hôpital, quitte à avoir sa chirurgie dans un hôpital et sa radiothérapie dans un autre... mais toujours dans la même ville et sous la direction du même oncologue».

Interpellé par la députée caquiste Hélène Daneault, le ministre Hébert a déclaré que la directive ne concerne pas les traitements surspécialisés, qui ne sont pas requis pour tous les cas. C'est déjà ça de pris! Mais il affirme ensuite que la proximité est un facteur primordial et qu'à mesure que les patients se feront traiter près de chez eux, les budgets des hôpitaux montréalais seront réduits d'autant.

Bref, le libre choix est devenu une fiction, car les hôpitaux montréalais ne pourront accepter les patients pour lesquels ils ne seront pas remboursés.

Notons que c'est la CAQ qui a attaché le grelot, pendant que l'opposition libérale se tenait coite. Serait-ce parce que la régionalisation des soins a été conçue sous le régime libéral?

La nouvelle politique, décrétée sans consultation aucune, est déjà en vigueur. Plusieurs personnes atteintes de cancer ont eu le choc de se voir refuser par l'hôpital qu'ils avaient toujours fréquenté, et les hôpitaux montréalais ont commencé à filtrer les demandes de consultation en fonction du code postal.

Pour l'instant, la directive ne touche que la radio-oncologie, mais qui sait si la formule ne sera pas étendue à d'autres traitements et à d'autres pathologies?

Cela aurait des effets dévastateurs pour la médecine avancée et la recherche de pointe. Privés de la clientèle de l'extérieur de Montréal, les hôpitaux universitaires montréalais verront fondre leurs budgets et leurs capacités de recherche.

Mais qu'importe! Les fonctionnaires auront redessiné à leur goût la carte des soins, tandis qu'en transférant une partie des budgets de Montréal vers la banlieue, les politiciens auront fait une fleur au fertile bassin électoral du 450, tout en faisant au passage un pied de nez à ces grands hôpitaux montréalais que toutes les régions jalousent.

Le CHUM est à toutes fins utiles sous la tutelle de Québec, et le ministre vient de renforcer son contrôle sur l'Agence des services de santé de Montréal, en remplaçant sa directrice, Danielle McCann, qui n'était qu'à mi-mandat, par Patricia Gauthier, qui vient comme lui du CHU de Sherbrooke...