D'un point de vue historique, la chute du mur de Berlin et le démantèlement bancal de l'Empire soviétique remontent à quelques secondes. Tout juste le temps que ça demande à une collectivité comme la nôtre pour lancer des oeufs sur le plus vaste pays du monde, territoire où la géopolitique et la fragile évolution sont d'une complexité nettement supérieure aux explications qu'on pourrait retrouver dans La Russie pour les nuls.

Je ressens un certain malaise devant cet acharnement répétitif à l'égard de la Russie. Comme si, par curieux besoin de communion, il fallait mélanger dans un même plat: les politiques de Vladimir Poutine, la corruption et le climat trop doux de Sotchi. Des actes terroristes et une tuerie dans une école. Les commentaires entendus au sujet d'étranges toilettes et de certaines infrastructures inachevées.

Il est courant de qualifier Vladimir Poutine de dictateur. D'empiler les superlatifs nous menant au gala des points Godwin. D'une part, ce type de remarques banalise la pure folie des vrais dictateurs. D'autre part, Poutine n'est pas Staline. Et la Russie est déjà à mille verstes du régime soviétique, n'en déplaise aux esprits romantiques. Poutine est un chef d'État, par définition imparfait. Un leader autoritaire que quinze années de pouvoir auront en alternance galvanisé et épuisé.

Nous savons combien il est difficile de réaliser nos propres aspirations. Imaginons maintenant l'ensemble des subtilités et des imbrications nécessaires à la mutation d'une nation comme la Russie. D'où vient notre impatience à vouloir tirer à nous, tout de suite, maintenant, tous les pays, toutes les religions, toutes les cultures? À vouloir imposer une vision instantanée, alors que celle de notre société s'est bâtie à force d'observations, d'essais et d'erreurs? La charpente de notre collectivité repose sur des fondations fragiles. Exiger de l'ensemble des peuples de jouer en accéléré le film aboutissant à la version 2014 du happy ending nord-américain est précisément ce type de posture téméraire qui, à terme, discrédite les valeurs et les principes mêmes que nous souhaitons transmettre.

L'histoire a maintes fois démontré que la patience et le temps demeurent les meilleurs régulateurs menant à des transitions sociales positives et solides. Vladimir Poutine a instauré des politiques réactionnaires, rétrogrades, inacceptables. La Russie n'est pas Poutine. La Russie est une démocratie naissante. Les aléas politiques et d'ingénieries, notamment en période préolympique, ne sont pas un monopole russe.