La décision du gouvernement du Québec de financer massivement le projet de la cimenterie de Port-Daniel-Gascons est incompréhensible, autant d'un point de vue économique, politique, stratégique ou environnemental. Il est surprenant que les associations québécoises et canadiennes du ciment soient les seuls groupes à avoir vivement dénoncé une telle manoeuvre du gouvernement péquiste.

Sur le volet économique d'abord, on peut sérieusement douter que le gouvernement ait considéré les prévisions de marché pour le nord-est du continent. Depuis près de 20 ans, la demande de ciment stagne pour plusieurs raisons, les deux principales étant le ralentissement démographique et le déclin du secteur manufacturier. Dans le domaine de l'énergie, on vit une période de surplus qui ne s'effacera que dans 15 ans. Le Plan Nord ne décolle pas. Où va-t-on écouler cette nouvelle production? Dans la zone Asie/Pacifique? Voyons donc. Il faut savoir que, contrairement aux métaux, la production de ciment doit s'arrimer avec la demande régionale.

Les cimenteries québécoises tournent au ralenti et n'opèrent qu'à 60% de leur capacité de production. Depuis des années, le Québec produit environ 2,6 millions de tonnes de ciment. On compte ajouter une capacité de 2,2 millions de tonnes. Y avez-vous pensé? À coup sûr, les emplois créés en Gaspésie entreront en compétition avec ceux déjà existants au Québec.

Comme l'ont souligné les représentants de l'industrie, cette nouvelle usine va déplacer les opportunités économiques actuelles d'une région du Québec à une autre sans en créer de nouvelles. Elle ne créera pas de nouveaux emplois et n'aidera aucunement l'évolution technologique de la province. Au lieu de laisser faire la libre concurrence qui a toujours été la règle dans le secteur, le gouvernement, par une décision purement politique, vient de créer un déséquilibre dans le marché.

On touche ici un point majeur: investir autant de fonds publics dans la production de produits non métalliques est une première. Les avantages financiers accordés au consortium pourraient atteindre 350 millions de dollars. Ça correspond à peu près aux coupes dans des domaines stratégiques comme l'éducation supérieure, les fonds de recherche, les services sociaux, etc.

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Bien que discutable, subventionner des industries fortes consommatrices d'électricité comme l'aluminium ou le silicium métallique, ça passe encore. Mais la production de ciment ne s'appuie sur aucun avantage comparatif, comme celui du bas prix de l'électricité, par exemple. Le procédé est thermique et utilise des combustibles lourds qui contribuent fortement aux émissions de gaz à effet de serre. La construction d'un pipeline venant de l'ouest et l'exploration pétrolière dans le golfe ne sont rien en comparaison.

Non seulement cette construction apparaît comme un très mauvais placement, mais l'utilisation de nos fonds publics semble relever d'un pur aveuglement politique à saveur électoraliste.