Le 13 décembre dernier, le monde entier a appris que le jeune chef suprême de la Corée du Nord, Kim Jong-un (30 ans), venait de faire exécuter son oncle, Jang Song-taek (67 ans).

Jusqu'à tout récemment, plusieurs considéraient Jang comme le dirigeant numéro deux du pays. Il était un promoteur des réformes économiques. Il ne fait pas de doute qu'il en était venu à être considéré comme une menace grave au pouvoir de Kim Jong-un, dont la famille règne sur le pays depuis 1948. Le fondateur de la dynastie, Kim Il-sung, a dirigé la Corée du Nord de 1948 à 1994; son fils, Kim Jong-il, de 1994 à 2011; et son petit-fils, Kim Jong-un, depuis 2011.

Deux questions se posent sur le phénomène tout à fait unique d'une succession dynastique dans un État communiste: qu'est-ce qui explique la longévité de la dynastie des Kim et quelle est la probabilité que Kim Jong-un réussisse à son tour à la perpétuer?

La famille, le nationalisme et la terreur

La Corée du Nord est gouvernée, au plan politique, par le Comité central du Parti des travailleurs de la Corée et, au plan militaire, par le Comité de la défense nationale. La dynastie des Kim a réussi à s'emparer du pouvoir absolu et à le conserver grâce à sa capacité à monopoliser la direction de ces instances et de leurs émanations. Leur pouvoir a reposé jusqu'ici sur trois piliers: la sacralisation de la famille, l'idéologie nationaliste et la terreur.

La représentation du fondateur, Kim Il-sung est celle d'un surhomme. Le Président Éternel est omniprésent dans les chants, les images et les monuments. Une orchidée, la kimilsungia, porte même son nom. La naissance du fils, Kim Jung-il, aurait eu lieu sur le mont Paektu, la montagne sacrée du pays. Elle aurait été sanctifiée par l'apparition d'une hirondelle et de deux arcs-en-ciel. Étant un fils divin, il avait lui aussi un pouvoir surhumain. Plus de quarante mille ouvrages sont consacrés au culte personnel de Kim Il-sung et de Kim Jong-il.

Au plan idéologique, la famille Kim a élaboré et propagé le juchéisme, doctrine qui redéfinit le marxisme-léninisme en préconisant l'indépendance et l'autosuffisance totales de la nation: politique, économique et militaire. L'art, la musique, le théâtre, le cinéma, la littérature et les sports collectifs sont entièrement mobilisés pour amener les Nord-Coréens à s'identifier au juchéisme comme fondement de leur vie personnelle.

Le pouvoir des Kim repose enfin sur la terreur. Kim Il-sung et Kim Jong-il ont fait liquider des dizaines de milliers de personnes jugées déloyales ou indésirables. L'exemple de Jang Song-taek démontre que les purges se poursuivent sous Kim Jong-un. Des centaines de milliers de personnes sont présentement enfermées dans les camps et les prisons.

Dynastie vulnérable

Est-ce que Kim Jong-un va réussir à survivre et à perpétuer la dynastie? Nous en doutons. Le nouveau chef suprême est vulnérable pour trois raisons. La première est qu'au plan des symboles, il ne donne pas à son peuple l'image d'un être divinisé, contrairement à son père et à son grand-père. La deuxième raison est son jeune âge. Kim Jong-un n'a pas eu le temps de compléter son apprentissage de l'art de gouverner et d'assurer une base large et solide à son pouvoir.

La troisième raison est que les Nord-Coréens sont de plus en plus nombreux à percevoir l'écart béant entre leur niveau de vie et celui des Sud-Coréens. Comme en Allemagne de l'Est en 1989, il y a là un ferment de révolte potentielle. La survie de la dynastie est en danger. Le régime pourrait bien s'effondrer cette fois-ci, à moins d'un virage, pour l'instant improbable, de ses priorités en faveur du développement de l'économie.