Malgré les désavantages pour les consommateurs et touristes canadiens qui voyagent à l'étranger, la baisse de la valeur du dollar canadien est une bonne nouvelle. Non seulement permettra-t-elle de relancer le secteur des exportations, mais elle aidera aussi à résoudre un des plus grands défis de notre économie: la dette trop élevée des ménages.

Le cours des matières premières a souvent fait fluctuer le dollar canadien, mais, depuis la crise de 2008, les étrangers ont aussi été attirés par la stabilité de notre système bancaire, notre relative santé économique et des comptes publics fédéraux en meilleure santé qu'à l'étranger. Notre dollar est donc demeuré fort après la crise financière.

Aujourd'hui, il faiblit à nouveau: on y voit la correction d'une situation de surévaluation insoutenable pour l'économie canadienne.

Pourquoi? Depuis 2009, notre balance commerciale est devenue négative. Nos exportations manufacturières stagnent depuis ce temps, tandis que nous avons continué de consommer et d'importer davantage. C'est ainsi que le déficit extérieur de la balance courante s'est creusé de façon importante. La dernière fois que nous avons connu une telle situation date des années 90.

Pendant cette période-là, les prix des matières faiblissaient, et notre dette publique explosait. Les déficits et la dette publique en hausse minaient la confiance dans le pays. Et les intérêts élevés payés aux étrangers, qui détenaient notre dette, généraient une balance extérieure déficitaire. Pour arrêter la saignée, le gouvernement de Jean Chrétien avait imposé l'austérité, ce qui avait ralenti la croissance économique. La faiblesse du dollar canadien - tombant jusqu'à 62 cents - avait alors soutenu les exportations pendant qu'on procédait à l'ajustement des finances publiques.

Cette fois-ci, ce n'est pas la dette des gouvernements qui nous rend le plus vulnérables, mais la dette élevée des ménages. La solution, une baisse du dollar, est cependant justifiée dans les deux cas.

La Banque du Canada s'inquiète depuis plusieurs années déjà de l'endettement des ménages, qui augmente trop vite par rapport aux revenus disponibles, ce qui menace la stabilité financière du pays. Rappelons que c'est l'excès de la dette privée - et non publique - qui a causé la crise de 2008. Nous avons pu constater comment cette histoire s'est terminée aux États-Unis: un système financier au bord du gouffre, des déficits publics énormes et une profonde récession dont on a peine à sortir.

Le Canada a des chances d'éviter un pareil scénario si son dollar reste faible. Bien qu'il y ait plusieurs façons d'augmenter les revenus, en haussant la productivité ou le nombre d'emplois, par exemple, nous avons de la difficulté à y arriver. Notre seule option est donc de nous tourner du côté des revenus d'exportation à l'aide d'un dollar faible, ce qui pourrait contribuer à faire diminuer le ratio de la dette des ménages par rapport aux revenus, en augmentant ces derniers.

La dette des ménages que nous avons contractée est incompatible avec un dollar canadien fort. La baisse du huard aidera le Canada à corriger les déséquilibres concernant la dette des ménages qui menace à long terme la santé économique et financière du pays.

Certains pays d'Europe, dont les dettes privées ont explosé pendant les années 2000 (comme en Irlande ou en Espagne), sont aujourd'hui aux prises avec ces dettes élevées, qui pèsent aussi sur les déficits publics et leurs systèmes bancaires. Ces pays ne peuvent pas augmenter les revenus d'exportation puisqu'ils font partie de la zone euro, et n'ont donc plus de devises à dévaluer. Le Canada pourra éviter un tel scénario grâce à notre régime de change flexible. Un dollar qui peut faiblir est notre soupape de sécurité.

Heureusement qu'une union monétaire avec les États-Unis, dont certains rêvaient, ne s'est jamais concrétisée!