Si le gouvernement avait voulu bien faire les choses, il aurait pu émettre une circulaire à l'intention des dirigeants d'organismes publics pour les guider dans le traitement d'une demande d'accommodement, comme le chapitre V et non controversé de l'actuel projet de charte.

Il aurait pu proposer un règlement pour interdire le port de signes religieux aux figures d'autorité de l'État, et une majorité de députés l'aurait suivi. Il aurait pu dire que partout dans le monde, les sociétés d'accueil sont tiraillées par des questions de cohabitation et la place du religieux, et qu'il importe en ces matières d'agir avec doigté, parce que l'harmonie est toujours fragile.

Il aurait pu insister sur la richesse que constitue la diversité culturelle, surtout pour le Québec, qui doit compenser une faible natalité, et prévenir des pénuries de main-d'oeuvre. Il aurait pu saluer la tradition québécoise d'ouverture: qu'une société elle-même minoritaire à l'échelle continentale ait su ouvrir grand ses bras est effectivement exceptionnel.

Mais la volonté du gouvernement n'a jamais été de bien faire les choses. Dès le début, il a parlé d'une «charte», sorte de loi suprême pour qu'il soit bien clair qu'il y a péril en la demeure; il a parlé de surcroît d'une charte des «valeurs québécoises», pour qu'il soit bien clair qu'elles sont autres qu'universelles, meilleures, uniques et qu'elles sont menacées. Il a volontairement gonflé l'enjeu pour le propulser vers la dimension irrationnelle de la survie de la race, qui prête à tous les dérapages.

Sur un enjeu de cette importance, il aurait fallu voir se lever le gouvernement de tous les Québécois, défenseur d'une haute conception de l'État et de la nation. Mais au lieu de cela, nous voyons agir les propagandistes en chef d'un parti dont la cause originelle est en désaffection et qui sont déterminés à lui réinventer une raison d'être. Quoi qu'il en coûte. L'intérêt supérieur du Québec et de Montréal est une donnée absente.