En janvier 1989, il y a exactement 25 ans, l'Accord de libre-échange (ALE) entre le Canada et les États-Unis entrait en vigueur. Les deux pays sont tombés en récession en 1990. Mais, dès que la reprise américaine s'est pointée en 1992, les exportations canadiennes de marchandises à destination des États-Unis ont connu une ascension fulgurante qui a duré huit ans.

À elles seules, les exportations québécoises vers le sud ont augmenté de plus de 42 milliards de dollars, passant de 19 milliards en 1992 à 61 milliards en 2000. Ce saut énorme et inattendu de nos exportations ne peut être entièrement attribué à l'ALE, car, de 1992 à 2000, le dollar canadien s'est déprécié de 20%.

Il coûtait donc moins cher aux Américains d'acheter au Canada, ce qui a pu ajouter 7 ou 8 milliards aux exportations québécoises. Mais personne ne met plus en doute aujourd'hui que le grand bond de nos exportations aux États-Unis, de 1992 à 2000, est en majeure partie - au moins pour 30 des 42 milliards - attribuable à l'ALE signé par Brian Mulroney et Ronald Reagan en 1988.

Au départ, l'énorme poussée que l'ALE a donnée à la demande américaine pour les produits canadiens a littéralement sauvé le Canada - Québec compris - de la dépression de 1992 à 1996. Pendant ces années, alors que l'économie américaine réussissait à sortir rapidement de la récession, l'économie canadienne est restée enlisée dans la stagnation pour quatre années supplémentaires.

Au Québec comme au Canada, la demande intérieure était à plat. Seule la demande extérieure, fouettée par les exportations, a maintenu notre économie en vie. Après avoir passé 30 ans dans les deux chiffres, le taux de chômage du Québec est descendu à moins de 9% en 1999. Il n'est jamais remonté au-delà par la suite, même pendant la récession de 2008-2009.

Il ne faut pas se cacher que des emplois manufacturiers ont été perdus dans des secteurs très protégés par les tarifs douaniers avant 1989. Mais, d'une part, ces secteurs ont souvent réussi leur transition malgré tout. Ils ont survécu en améliorant leur position concurrentielle. Ce fut, par exemple, le cas des secteurs du vin en Ontario et du meuble au Québec. Et, d'autre part, le reste de l'économie a pris la relève. De 1992 à 2000, il s'est créé 360 000 nouveaux emplois au Québec.

Tout compte fait, le libre accès au marché américain s'est révélé une incroyable machine à faire progresser l'emploi et le revenu au Canada et au Québec. Conserver notre libre accès au marché américain doit maintenant faire partie de nos plus grandes priorités.

Il importe évidemment de reconnaître que la tendance de nos exportations de marchandises à destination des États-Unis s'est renversée après 2000. Elles ont subi une spectaculaire glissade de 35%, retombant à 40 milliards de dollars en 2009. Il peut être tentant de croire que cette dégringolade démontre que l'ascension des exportations qui a suivi l'ALE de 1992 à 2000 n'était qu'un feu de paille. Rien à voir.

La chute de nos exportations vers le sud de 2000 à 2009 (suivie d'une timide remontée depuis) résulte plutôt de la «tempête parfaite» qui a frappé nos exportateurs manufacturiers: deux récessions prolongées aux États-Unis, à partir de 2001, puis de 2008; une appréciation de 60% du dollar canadien, en grande partie due à l'emballement des marchés pour les ressources naturelles de l'Ouest; la concurrence fortement accrue des pays émergents contre nos produits sur le marché américain; et des problèmes structurels graves dans notre industrie forestière et papetière.

Certaines de ces difficultés vont sans doute s'estomper avec le temps et d'autres vont rester. Il faut avoir confiance. Nos entreprises manufacturières sont très dynamiques et productives. Il serait surprenant qu'elles ne finissent pas par s'en sortir avec les honneurs - y compris nos fromageries devant le libre-échange à venir avec l'Europe!