Le sentiment d'injustice est démesuré.

Le dimanche 8 décembre, vers 11: 45, la vie de ma mère a été fauchée par un irresponsable - on pourrait dire un criminel - qui a traversé à très haute vitesse une lumière rouge sur Jean-Talon, coin Canora.

Une vieille dame qui rentrait tranquillement chez elle, ayant fait quelques courses, possédant tous ses moyens intellectuels et physiques, autonome, vivant seule dans son demi-détaché de Mont-Royal, a eu la vie arrachée.

La force de l'impact a été terrible. Le fautif devait rouler à une vitesse vertigineuse en plus de traverser le carrefour sur un feu rouge avancé. Ma mère coulait des jours paisibles, recevant des visites régulières de ses deux fils, sans parler de ses petits enfants, de ses belles-filles et amis. Elle avait une vie sociale bien chargée, jouait au grass bowling, faisait partie d'un club de lecture, se livrait à des activités physiques adaptées à son âge, et j'en passe. Elle avait fait deux voyages en Europe dans la même année (Espagne et Grèce) il y a deux ans.

Cette mort inutile, insensée, stupide, aberrante, absurde, gratuite, illogique, inadmissible, saugrenue, sotte, n'est ni la première ni la dernière du genre dans notre société dite civilisée.

Par son geste, ce jeune de 21 ans a arraché la vie à un être humain, non sans avoir infligé des polytraumatismes inimaginables. Ma mère s'est battue pendant près de neuf heures au Sacré-Coeur avant que l'équipe médicale ne réalise que c'était peine perdue.

Une perte énorme

La perte de l'être cher n'a pas de prix. Je me demande si ce jeune homme réalise qu'il a tué une personne. Je me demande s'il réalise la souffrance mentale qu'il a infligée aux enfants de la dame et au reste de sa famille, sans parler du coût énorme aux fonds publics (premiers secours, traumatologie). Les enfants de la victime innocente vont devoir composer avec cette tragédie pour le reste de leurs jours.

Étant donné que certains de nos concitoyens ont des comportements carrément criminels, on devrait envisager d'équiper les véhicules et les routes de systèmes infaillibles pour protéger la vie. La route a fait 2227 victimes en 2010 au Canada (plus de six victimes par jour, tous les jours, sans exception). Au niveau planétaire, la route tue plus d'un million deux cent mille personnes par année. L'hypertension, la malaria, le cancer de l'estomac, le cancer du foie, du côlon, du sein, du pancréas, la leucémie, font moins de victimes que la route.

La technologie existe. En F1, les voitures ralentissent à la vitesse maximale permise dans les puits grâce à un système électronique. Certains constructeurs équipent les véhicules de détecteurs de pluie qui enclenchent les essuie-glaces automatiquement.

Les sommes englouties dans les tragédies routières pourraient plutôt servir à équiper les véhicules routiers et les routes de systèmes obligatoires de sécurité et de protection qui empêchent par exemple une voiture de rouler 10% plus vite que la vitesse maximale et qui coupent automatiquement la traction et appliquent les freins lorsque la combinaison de vitesse, de distance à un carrefour, de séquence des feux de circulation, est telle qu'elle franchirait le carrefour sur un feu rouge.

En ce qui me concerne, en ce qui concerne mon frère, mon oncle, nos enfants, nos épouses, le mal est fait. Ce jeune homme a fauché la vie de ma mère. Il a provoqué des souffrances physiques importantes et la mort. Il nous a plongés dans le deuil et la douleur mentale. Pour le reste de nos jours, nous garderons la mémoire d'une injustice inimaginable.